Ineffable : qu’on ne peut exprimer par des mots en raison de son intensité ou de sa nature. N’est-ce pas la raison première pour laquelle la musique existe ? Quand les mots apparaissent trop faibles voire impuissants pour décrire un ressenti, une émotion, un sentiment particulier, alors bien souvent la musique s’avère être une alternative de choix pour transcender la vacuité des mots. Presque trois années se sont écoulées depuis “Elysion” qui avait permis à Merge de se faire connaître à l’étranger. Entre temps, le quintette a du faire face aux changements inhérents à toute formation de son (jeune) âge : changements de line up, revirement musical annoncé avec “Sacré Coeur” etc pour finalement aboutir sur un deuxième opus aux couleurs différentes des débuts.
Si en apparence, la recette musicale des Parisiens semble s’être simplifiée avec des formats de titres plus courts (quatre minutes en moyenne), la suppression des voix hurlées, des break traditionnels au post hardcore, Merge ne cède pas à la facilité pour autant. La formule a évolué et c’est avec une version plus sobre et plus moderne que Merge nous présente sa nouvelle entité : les guitares abrasives côtoient maintenant des éléments électroniques qui font mouche (“The Password”). Le piano a lui aussi pris une place importante dans les ambiances (le single “Soaring”, la magnifique reprise de Twenty One Pilots “Heathens” qui permet d’effacer les derniers doutes subsistants quant aux capacités vocales du nouveau chanteur).
La comparaison semble facile et évidente mais, à la manière d’un Bring Me The Horizon, Merge a trouvé son propre équilibre, certains riffs n’étant jamais réellement loin d’un rock indé/alternatif dont ses géniteurs sont friands. Seule la voix de Max, trop en avant et tapant parfois dans les aigus (“Bloodstream”), ne parvient pas à éviter l’écueil dangereux de tomber dans l’archétype des groupes de neo rock qui ont souvent de très bons chanteurs mais dont l’organe vocal manque de retenue. La voix monopolise trop l’attention de l’auditeur et ne laisse pas suffisamment respirer les instruments.
Heureusement, les compositions sont aérées avec de nombreuses accalmies (celle de “The Exit”, tout simplement remarquable) même si ces dernières trahissent des structures peut-être trop souvent à l’identique. En surface, la prise de risque apparaît alors absente, ce que dissipe rapidement les écoutes répétées. “Mirage”, qui repose essentiellement sur des éléments électroniques et des effets, flirtant carrément avec la chillwave, chasse par exemple cette pensée facile. Les textes, plus impactant, assoient davantage cette maturité ainsi que le virage musical intelligemment amorcé avec “Ineffable”. La formation affiche de l’assurance avec des morceaux aux ambiances fédératrices et travaillées telles que “Recovery” ou “The Exit”.
Enfin, Merge n’a pas écarté ses traditions pour autant : le superbe final instrumental “In Details Part 3, Futari No Michi “, dont un nouveau chapitre nous est dévoilé à chaque sortie, en est la preuve. A elle seule, cette composition aux accents post rock démontre un talent de composition incroyable, dont les influences japonaises insufflent une personnalité supplémentaire à l’ensemble. Certainement un atout sur lequel le groupe pourrait s’appuyer davantage dans le futur.
Ineffable : onze compositions soignées, qui sont difficilement qualifiables par des mots en raison de leur intensité et de leur nature. Si sur “Elysion”, Merge ne se cachait pas de broyer du noir, avec “Ineffable”, les Parisiens compliquent la tendance : le brouillard est chassé à coups de mélodies puissantes mais le vent le ramène inlassablement. L’auditeur est captif d’un état lunatique où il n’a d’autre choix que de garder un pied dans l’ombre et l’autre résolument dans la lumière, sans réellement jamais savoir si l’un ou l’autre prendra le dessus. Et c’est peut-être ce qui fait de “Ineffable” un album fort malgré la présence de deux ou trois titres moins efficaces.
Informations
Label :
Date de sortie : 02/12/2016
Site web : www.facebook.com/thisismerge
Notre sélection
- Mirage
- The Exit
- Recovery
Note RUL
3.5/5