The Kills – Ash And Ice

Cinq ans après “Blood Pressures”, The Kills revient avec un cinquième opus emprunt de dualité. Entre temps, Alison Mosshart s’est consacrée au troisième album de The Dead Weather et Jamie Hince, suite à plusieurs opérations de la main, a dû quelque peu changer sa manière de jouer. Un nouvel effort dès lors placé sous le signe des retrouvailles, pour panser les blessures et recréer l’alchimie qui nous fait vibrer depuis seize ans maintenant. Enregistré entre Los Angeles et New York, “Ash & Ice” marque ainsi le grand retour d’un duo toujours aussi fusionnel.

Pour commencer, visualisez Jamie Hince écraser nerveusement son mégot de cigarette dans un verre où subsistent encore quelques glaçons. Voilà la source d’inspiration qui a donné naissance au nom de ce nouveau disque. Du moins, c’est ce que le guitariste a récemment confié dans une interview. Des cendres et de la glace, un homme et une femme qui écrivent d’abord les paroles de leurs chansons chacun de leur côté, des mélodies fiévreuses et des riffs rugueux, une force incroyable couplée à une certaine vulnérabilité, de l’urgence et de la placidité, autant de paradoxes pour qualifier un album qui fait de la dualité son maître mot.

On se laisse très vite happer par le rythme blues de l’entêtante “Doing It To Death”, premier morceau dévoilé et titre introducteur de l’essai. En explorant le thème de la recherche perpétuelle du plaisir qui anime nos soirées, comme nos vies, les Kills parlent à tout le monde mais surtout à eux-mêmes : “We’re double sixting it, night after night”. Coproduit par la formation et par John O’Mahoney (LCD Soundsystem, The Strokes), “Ash & Ice” garde cette patte rock garage qui rappelle surtout le premier effort studio, “Keep On Your Mean Side” (2003), avec des morceaux comme la poisseuse et sexy “Impossible Tracks” ou encore la catchy “Whirling Eye”, qui termine l’ensemble en beauté. Mais le disque, mixé par Tom Elmhirst (Arcade Fire, Amy Winehouse) et Tchad Blake (The Black Keys, Arctic Monkeys), s’aventure aussi dans des sonorités rétro (“Bitter Fruit”) et parfois électro (“Hard Habit To Break”, “Let It Drop”).

Là où The Kills surprend, c’est avec des titres plus calmes dont le rythme et les riffs laissent une impression de profonde tristesse comme sur la magnifique “Hum For Your Buzz”, la nostalgique “Echo Home” ou encore la superbe “That Love”, jouée au piano. Des morceaux qui, à la première écoute, nous avaient surtout donné l’impression amère que le duo s’était assagi. Mais “Ash & Ice” est en réalité un album plus complexe. Il faudra donc lui consacrer plusieurs écoutes pour en apprécier toutes les nuances et le sublime spleen qui s’en dégage. De son côté, “Siberian Nights”, troisième extrait dévoilé récemment, dégage une ambiance de clandestinité, d’interdit dans son urgence et semble directement évoquer le voyage en train, entrepris par Jamie Hince à travers la Sibérie, au cours duquel l’Anglais a eu le bonheur de composer en solitaire, avec pour seuls compagnons sa guitare et son carnet de note.

Si “Ash & Ice” ne prend pas de réels risques, il fascine par de très belles pistes et se dévoile un peu plus à chaque écoute. Moins évident qu’un “Midnight Boom” (2008), cet opus se savoure et trouve sa force dans des morceaux moins évidents et de fait, plus intéressants. Ensorcelant !