Alcest – Les Chants De L’Aurore

Alcest fait partie des groupes qui ont toujours donné de l’importance aux symboles. Et quoi de plus symbolique que le lendemain du solstice d’été pour sortir son septième album ? Rompant avec cinq années de silence, Les Chants De L’Aurore se départit de la facette obscure de son prédécesseur, Spiritual Instinct (2019), pour revenir aux origines plus lumineuses de la formation. Rassurez-vous, la quête spirituelle n’en demeure pas moins belle et contrastée.

Une journée dans l’âme d’Alcest

Les Chants De L’Aurore est une œuvre à aborder comme une journée entière, symbole d’un cycle commençant à l’aube et se terminant au crépuscule. “Komorebi” ouvre le disque avec une douceur irradiante qui, de l’ambiance jusqu’aux paroles, n’est pas sans rappeler un certain “Printemps Émeraude”. Ce n’est pas un hasard si ce terme japonais désigne “la lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles des arbres“. Et de la lumière, il y en a avec les mélodies post rock qui auréolent cette mise en bouche. Il n’en faut pas plus au duo pour prendre son “Envol”. Du haut de ses huit minutes, le single phare de cette nouvelle sortie s’élève comme l’ultime représentant de l’univers d’Alcest : accords majeurs, batterie ample, chant qui n’a pas peur des aigus, guitare acoustique et final ambiant à couper le souffle. Plus orchestral, moins metal, le ton est donné, le son est posé.

De l’aube au crépuscule

Mais il faut se méfier des apparences car une fois dans les airs, la perspective diffère. Les thèmes s’assombrissent légèrement, reflétant aussi bien les nuances changeantes du ciel que celles, plus insondables encore, de l’âme humaine. “Améthyste”, pierre semi-précieuse et symbole ultime spirituel, fait écho aux racines post-black metal d’Alcest avec le retour de la voix criarde de Neige et des riffs plus lourds. Le contraste avec les deux précédents titres est saisissant. Mais il est nécessaire à la progression de l’ensemble, et peut-être même à la guérison de son géniteur. Car pas d’ombre sans lumière, et encore moins de sagesse sans souffrance, Alcest le sait et s’en fait l’écho. Alors que la distorsion s’évapore lentement, bientôt résonne ce mantra : “J’ai toujours su au fond de moi / Que je venais de très loin / Et qu’en essence nous sommes tous / Des êtres immortels“. Plus de doute permis, le duo revient à son concept originel.

Du crépuscule à la quiétude

Sous un voile de légèreté, “Flamme Jumelle” cache une détresse bien réelle et pourtant si belle. Car derrière son apparente simplicité, ce second single invite à danser avec le deuil dans l’espoir innocent d’en triompher. Cette douce mélancolie se poursuit sur “Réminiscence”, une interlude au piano acoustique et au violon accompagnée de chœurs éthérés. Mais derrière les souvenirs, se cache la nuit, hautaine et moqueuse. Plus sombre, plus rythmé mais peut-être aussi plus anecdotique, “L’Enfant De La Lune” mélange habilement les guitares lourdes et les claviers de Spiritual Instinct aux thèmes aquatiques de Écailles De Lune (2010). Dernière halte du voyage, “L’Adieu”, poème d’Apollinaire, est une conclusion méditative sur l’amour au-delà du monde terrestre. C’est sur de magnifiques arpèges et l’évocation de l’automne que Neige ferme ce nouveau chapitre sonore d’Alcest.

Hommage et renouveau spirituel

Il serait réducteur de résumer Les Chants De L’Aurore à un simple voyage symbolique. Entre l’énergie solaire de Shelter (2014), l’esprit japonisant de Kodama (2016), et la nostalgie de Souvenirs D’Un Autre Monde (2007), ce nouvel album est aussi une excursion à travers les différentes époques musicales d’Alcest. Sa grande diversité est une force autant qu’une faiblesse, une anomalie autant qu’un coup de génie. Quand on sait que Neige se sent étranger à ce monde, n’est-ce pas finalement un réel accomplissement que de sortir un disque aussi hétéroclite ? Mais qu’à cela ne tienne, la finesse de sa réalisation et sa profondeur spirituelle pourraient bien propulser Les Chants De L’Aurore au rang de classique dans la discographie d’Alcest.