Alison Moyet – The Minutes

Si le nom d’Alison Moyet vous est inconnu, des tubes comme “Don’t Go” ou “Situation” rappelleront certainement quelque chose aux plus de trente ans. Alison fut dans les années 80 la voix de Yazoo, nouveau bébé de son ami d’enfance Vince Clarke, qui venait de quitter Depeche Mode. L’artiste britannique à moitié française, au physique proche de celui d’Adèle, possédait même un timbre soul blues plus puissant encore que celui de sa compatriote. Même si la France n’a quasiment plus entendu parler d’elle depuis la séparation de Yazoo, elle poursuit cependant une carrière solo avec succès en Angleterre. La chanteuse sort son huitième album studio, onze chansons produites par l’ex-Frou-Frou, Guy Sigsworth (Madonna, Björk).

A 52 ans, si la silhouette a fondu, le timbre vocal est resté identique, même si sa voix est désormais plus posée dans les graves que projetée en avant comme avec Yazoo. Le mélancolique “When I was A Young Girl”, avec un clip dans lequel apparaît sa propre fille, laissait présager d’un bon disque sans prétention. Mais à l’instar de la pochette de The Minutes où elle apparaît dédoublée, la production multiplie les effets gadgets. Avec l’ambiance aquatique de “Horizon Flame” en ouverture, et malgré des arrangements un peu kitsch, l’histoire ne commençait pas trop mal. La suite se gâte rapidement. Des changements de rythmes et d’ambiances brutaux, des sonorités bas de gamme et digne du plus mauvais R’n’B (“Changeling” ) ne rendent pas justice à la force émotionnelle de la voix de la dame ! Ok, la structure est résolument électronique mais pourquoi ces choix d’effets ringards et indigestes ? Malgré le chant dynamique de “Apples Kisses”, les arrangements n’arrangent rien du tout ! Seuls ceux qui auront le courage d’avaler les pommes frelatées jusqu’au bout, auront droit au final assez original. Au reste de la carte : des ambiances soporifiques (“Remind Yourself”) et beaucoup de rythmes à danser la tecktonik (“Right As Rain” et sa ligne de base élastiquée, “All Signs Of Life”, “Love Reign Suprem”…). “A Place To Stay” aurait pu être une ballade efficace mais l’habillage est si ringard que l’agacement prend le dessus. Avec ses claviers analogiques, “Filigree” est probablement le titre qui ressemble le plus à du Yazoo, et c’est aussi un des meilleurs avec le single “When I Was A Young Girl”.

Ce nouvel effort pourrait à merveille servir à illustrer toute la différence entre un son daté et un son cheap : Yazoo est désuet, “The Minutes” est médiocre. Pourquoi assaisonner si mal la belle voix grave et rauque d’Alison Moyet ? Une tonalité si rare de contralto mériterait d’être mieux mise en valeur.