Le nom d’Andrew Bird ne vous dit rien ? Alors il est probable de trouver l’approche de son nouveau album un brin prétentieuse. Recréer le tableau de Jacques-Louis David “La Mort De Marat” en guise de pochette pour un dix titres intitulé “My Finest Work Yet”, la démarche peut être également qualifiée d’audacieuse.
Mais elle est avant tout là pour illustrer un douzième effort studio d’une carrière solo qui s’étend depuis 1996 à travers bien des collaborations diverses et variées. Toujours féru d’expérimentations sonores, passant de l’album acoustique enregistré dans une grange ou au fond d’un canyon, la barre est très haute à l’écoute de la discographie du compositeur adepte du violon et des sifflements. À nous d’être juge de ce nouveau venu dans les bacs.
Enregistré dans des conditions proches de la scène en conservant une forte dose d’intimité, le disque s’ouvre sur “Sisyphus”. Entre deux sifflements de western spagetthi et une six cordes envoûtantes, c’est une voix translucide qui s’élève tout en magnifiant les paroles qui donnent à demi-mot des indices sur les thèmes abordés. “Let it roll, let it crash down below. There’s a house down there but I lost it long ago” traduit l’addiction à la souffrance morale dont l’interprète a déjà traité auparavant.
Un texte qui ne peut être atténué par des onomatopées ou renforcé par quelques accords de piano. L’essentiel est résumé de manière subtile, interprété de manière désinvolte. Une désinvolture qui peut nous faire penser à un autre artiste dans ses contemporains. Comme Father John Misty, il partage cet humour pince-sans-rire qui n’a d’égal que le sens du détail. Là où se cache le diable.
L’accent sur “Olympians” et ses choeurs enjoués est avant tout posé sur la dernière ritournelle “Gonna turn it around” répétée comme si une tempête s’annonçait au loin sur fond de critique des discours des médias. Rien n’est anodin, encore moins laissé au hasard. De la performance organique de Bird et de ses musiciens sublimée par une production sans faille. L’ensemble fonctionne dans son intégralité.
Un morceau tel que “Bloodless” écrit avec brio au lendemain des élections présidentielles de 2016 rivalise avec “Manifest” qui transcende tout d’abord l’auditeur par sa beauté tout en conservant une certaine dissidence par le biais d’arrangements harmonieux. Un commentaire qui a choisit son camp entre la rage et l’empathie, nous mettant au défi de passer de la réflexion à l’action. Il suffit juste de lire entre les lignes.
En l’espace d’un album, le compositeur-interprète nous livre tout ce qu’il a sur le coeur avec l’aide de ses collaborateurs. Un cri de ralliement dont la résolution n’est autre que de vaincre une forme d’apathie qui frappe nos coeurs au sein de la société actuelle. La musique est un des plus beaux moyens de rassemblement. Certains l’ont compris. Plus encore, certains le maîtrisent.
Pour un oiseau rare, Andrew Bird délivre des compositions d’une qualité irréprochable à un rythme régulier. “My Finest Work Here” ne déroge pas à la règle en flirtant avec des côtés sombres traités avec une extrême clarté. S’agit-il de sa plus belle oeuvre jusqu’ici ? Probablement, en attendant la prochaine.
Informations
Label : Loma Vista
Date de sortie : 22/03/19
Site web : www.andrewbird.net
Notre sélection
- Sysyphus
- Olympians
- Manifest
Note RUL
4/5