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AWOLNATION – The Phantom Five

The Phantom Five, pressenti pour être le dernier album de la formation américaine menée par Aaron Bruno, propose un concentré certes dynamique, mais à l’ambition mesurée, des principales forces musicales ayant propulsé AWOLNATION au rang d’ovni de la scène alt rock contemporaine.

Quinze ans en trente-trois minutes ?

De l’électro rock excentrique de Megalithic Symphony (2011) aux riffs endiablés de Angel Miners & The Lightning Riders (2020), en passant par l’éclectisme de Run (2015) et l’énergie contagieuse de Here Come The Runts (2018), AWOLNATION compte à son actif une discographie d’une richesse et d’une diversité précieuses. Difficile de réduire la signature musicale si atypique d’Aaron Bruno à quelques qualificatifs, qu’ils soient de l’ordre du genre musical ou de la couleur sonore. Dans la veine d’un Don Broco ou d’un Twenty One Pilots, les Américains ont forgé un son original, jamais linéaire mais toujours reconnaissable. Comparé à un album façon “greatest hits” par Aaron Bruno lui-même, The Phantom Five, dernière livraison à ce jour, a la lourde tâche de synthétiser une carrière expérimentale et diversifiée. Pour quel résultat ?

Awolnation, toujours irrévérencieux

En écoutant le disque avec un œil fixé sur le passé, il est effectivement facile de faire des ponts entre anciennes et nouvelles chansons, de repérer les clins d’œil à certaines expérimentations et aventures stylistiques antérieures. “Jump Sit Stand March”, sortie en single, pourrait figurer sur Run, avec son refrain catchy, ses quatre mots répétés de façon accrocheuse au point de rester coincés en tête, la simplicité de son arrangement et son côté très moody. Elle évoque l’impertinence tranquille d’une “Hollow Moon (Bad Wolf)” ou d’une “Like People, Like Plastic”.

“Party People” et “Bang Your Head” se chargent de la partie la plus heavy de l’ensemble. La première propose un drop saturé jouissif façon “Soul Wars” (Megalithic Symphony), “Dreamers” (Run), “Passion” (Here Come The Runts) ou “Radical” (Angel Miners & The Lightning Riders). De son côté, avec ses changements de tempo abrupts et son ambiance tout à la fois heavy et dansante, “Bang Your Head” se place dans la lignée des chansons les plus ambitieuses d’AWOLNATION, qui manie l’art de la surprise à la perfection (“Here Come The Runts”, “Stop That Train”, “Mayday!!! Fiesta Fever”, “I’m A Wreck”). Plus jouissifs les uns que les autres, ces morceaux ont le mérite de nous prendre au dépourvu et de défier les conventions, tout en sachant retomber sur leurs pattes avec justesse et intelligence. Surtout, ils nous montrent qu’AWOLNATION a beau s’être fait connaître avec l’électro rock captivant de “Sail”, le groupe manie aussi à la perfection les penchants plus organiques et débridés de sa musique, allant jusqu’à piocher dans certains codes du metal. Bref, AWOLNATION démontre une nouvelle fois qu’il ne s’est jamais préoccupé des règles et de la taxonomie des genres musicaux : quitte à tout mélanger, autant le faire jusqu’au bout.

Awolnation, toujours accessible

Ce degré d’expérimentation et de liberté ne nuit absolument pas à la facilité avec laquelle s’écoute un album d’AWOLNATION, et The Phantom Five ne déroge pas à ce principe. Certes, la formation a produit des bizarreries aussi géniales que déroutantes dans le passé (comment qualifier les quinze minutes absolument improbables de “Knights Of Shame” ?). Mais elle sait aussi proposer des mélodies accrocheuses et des arrangements modernes et accessibles, loin de ses excès expérimentaux (“I Am”, “Handyman”, “California Halo Blue”).

En ce sens, “Panoramic View” offre une candeur vacancière et une légèreté bien dosées, l’empêchant de plonger complètement dans la niaiserie. “Barbarian” déroule une mélodie pop très efficace agrémentée de synthés discrets mais chatouillants. “A Letter To No One” se satisfait d’une très grande simplicité et d’une tranquillité reposante. Même “Outta Here”, qui se dote pourtant d’un riff gras et saturé, clôture le disque sans gravité, et ne va pas au bout de sa dimension heavy, lui préférant un air plus flottant, porté par des accords de guitare en contre-temps façon reggae contrastant efficacement avec le riff principal. Cette succession de chansons plus ascétiques n’est pas sans rappeler les productions les plus récentes du duo Twenty One Pilots, avec lequel AWOLNATION a d’ailleurs déjà tourné (la comparaison entre ces deux groupes regorge d’exemples, le plus amusant étant la ressemblance entre le riff de la célèbre “Jumpsuit” et celui de “Stop That Train”, deux chansons sorties la même année). De son côté, la très agréable “When I Was Young” s’assume comme le morceau le plus électro du disque, avec ses boucles de clavier débridées rappelant ce que la synthpop a de meilleur à offrir.

Simple hommage au passé ou disque novateur ?

The Phantom Five remplit en partie un objectif paradoxal : condenser en trente minutes une discographie pourtant irréductible. Sur le papier, il reprend les différentes inspirations ayant forgé l’identité si reconnaissable d’AWOLNATION, parvenant à représenter globalement la diversité d’ambiances et de styles proposés. Mais, justement, c’est là que le manque d’innovation est regrettable : ce qui fait avant tout la force de caractère d’AWOLNATION, c’est sa capacité à surprendre. D’un album à l’autre, et au sein d’un même album, bien sûr; mais aussi au sein d’une même chanson, avec des enchevêtrements de sections qui n’ont rien à faire ensemble, mais dont le mariage fonctionne sans explication possible. Si The Phantom Five est un bon disque, digne de ses auteurs, il lui manque cette part de magie qui rend des groupes aussi avant-gardistes qu’AWOLNATION inclassables.

L’ensemble réussit néanmoins très bien ses featurings, que ce soit via la voix déchirante et déchirée d’Emily Armstrong (Dead Sara) sur “Jump Sit Stand March” ou la contribution de Del The Funky Homosapien sur “I Am Happy”, qui, couplé à ses sonorités rétro, en fait le morceau le plus décalé, et nous fait regretter qu’AWOLNATION n’ait pas davantage expérimenté avec des sonorités rap (“Knights Of Shame” et “Sound Witness System” constituant des exemples réussis).

The Phantom Five donne l’impression qu’AWOLNATION a refait du AWOLNATION en un peu plus aseptisé. Et c’est comme ça que cet album, qui demeure très bon, doit s’apprécier : un hommage timide mais respectueux à une discographie qui mérite d’être écoutée et réécoutée inlassablement.

Informations

Label : Two Twenty Five Music
Date de sortie : 30/08/2024
Site web : www.awolnationmusic.com

Notre sélection

  • Party People
  • Bang Your Head
  • When I Was Young

Note RUL

 3,5/5

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