En plus de trente ans de carrière, les Polonais de Behemoth ont su s’imposer comme les rois du blackened death metal. Après l’acclamé The Satanist (2014) et le clivant I Loved You At Your Darkest (2018), vont-ils trouver un équilibre et réussir à garder leur titre ?
Les quatre cavaliers de l’apocalypse
“Post-God Nirvana” et son introduction aux sonorités tribales apportées par Einar Selvik (Wardruna) aux percussions est d’abord déroutante. Le quatuor aurait-il abandonné l’esthétique religieux ? L’arrivée du chœur et de l’orchestre effacent rapidement nos doutes. Les paroles finissent de nous rassurer : “We worship the Devil / We hail the Beast“. La messe (noire) peut commencer.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce douzième album est l’un des plus brutaux de la carrière du groupe ! C’est d’autant frappant que les passages les plus violents et techniques sont toujours contrastés par des moments plus “calmes“. Ceux-ci apportent un relief aussi étonnant qu’appréciable et rendent l’écoute plus fluide. On ne s’ennuie pas une seule seconde !
Behemoth fascine par la simplicité de façade de ses morceaux qui révèlent, en réalité, une complexité inouïe. On trouve dans Opvs Contra Natvram de nombreuses influences comme le heavy (le solo de guitare sur “Neo-Spartacvs”), la basse d’Orion qui se fait parfois groovy ou le refrain quasi post punk de “Off To War!”.
Quant à Nergal, il livre ici sa meilleure performance vocale. Son chant est habité, il passe du cri au susurrement voire même à l’incantation chamanique avec une maîtrise toujours impeccable.
Certains leur reprocheront une approche un peu commerciale, avec notamment le single “The Deathless Sun”. Les chœurs, le refrain fait pour être repris en concert par les fans et le solo de guitare en font un titre accrocheur. Mais quel plaisir ! Il donne l’impression d’être revenu aux grandes heures du metal symphonique des années 2000 ! Et montre que la formation ne s’impose aucune limite de style.
O Satan ! Satan ! Pourquoi es-tu Satan ?
Côté paroles, on retrouve évidemment des critiques de la religion, des références à la mythologie grecque et à l’histoire romaine, mais aussi à… Shakespeare ! Dans le dernier morceau, Nergal hurle son dégoût de la cancel culture et met en garde son auditeur contre la domination de la bien-pensance. Quel rapport avec Shakespeare ? Certains voudraient retirer les textes du dramaturge anglais des programmes scolaires à cause de son caractère qui ne correspond pas au politiquement correct actuel. Que l’on soit d’accord ou non avec les propos du frontman n’est pas la question. Ses prises de position radicales sortent de la simple critique du christianisme dont se contentent la plupart des groupes de musique extrême aujourd’hui. Et cela fait du bien !
La messe se termine sur un “Versvs Christvs” à l’ambiance gothique et épique que n’aurait pas renié Cradle Of Filth. Il est l’équivalent de “O Father, O Satan, O Sun” qui clôturait en beauté The Satanist. Monumental, tout simplement.
Behemoth livre ici l’un des meilleurs albums de cette rentrée, voire même de cette année. Il montre une fois de plus qu’il n’est pas juste un groupe déguisé en sataniste mais qu’il en a dans le ventre, que ce soit grâce à sa technique ou à ses paroles politisées. L’honneur est sauf et Behemoth conserve son titre. Hail Satan !
Informations
Label : Nuclear Blast
Date de sortie : 16/09/2022
Site web : behemoth.pl
Notre sélection
- The Deathless Sun
- Thy Becoming Eternal
- Versvs Christvs
Note RUL
4,5/5