Un album solo qu’on n’espérait plus, c’est le moins qu’on puisse dire !
Après une trilogie inoubliable avec le groupe Portishead jusqu’en 2008, puis un album en collaboration avec Rustin Man (bassiste de Talk Talk) en 2002, plus de nouvelles de Beth Gibbons et d’une possible carrière solo. Elle reste pourtant toujours présente dans l’industrie musicale avec de nombreux featurings, comme sur le dernier Kendrick Lamar, mais enfin, le projet Lives Outgrown voit le jour.
All hers
Pour rappel, Beth Gibbons est l’une des voix les plus emblématiques du trip hop anglais. Fragile, brisée, solitaire, son timbre est aussi unique, empreint d’espoir et de promesse. L’idée de l’entendre sur son recueil personnel met la larme à l’œil. Enfin ! Ce n’est pas uniquement en tant que chanteuse que nous la retrouvons ici mais aussi en tant que compositrice, parolière, productrice et arrangeuse. Pour l’accompagner dans la production, elle s’associe au non moins célèbre James Ford (Foals, Arctic Monkeys, Depeche Mode), et c’est une collaboration plus que réussie. Sans ressembler à du Portishead (ce qui aurait pu satisfaire certaines oreilles nostalgiques), on découvre l’univers personnel de l’artiste, très similaire à sa voix. Il est clair que Lives Outgrown n’a pas pour but de séduire le grand public ni ‘’être écouté en aléatoire. On découvre Beth avec une musique torturée, plus proche du style de Radiohead ou de Björk que de celui de son groupe emblématique.
Sour times
Cet album, qui a mijoté plus de dix ans, est composé de dix morceaux traitant du temps qui passe sous tous ses angles. De la vieillesse à la perte de ses proches, en passant par la ménopause et finalement la mort, c’est un concept pesant pour un projet profond et néanmoins musicalement léger. Le sujet n’est pas simplement traité par les paroles mais dans la mélodie elle-même. Il y a tout un travail autour du temps et ce, dès le premier morceau “Tell Me Who You Are Today” et sa guitare jouée en fond, tel le tic-tac d’une horloge. “Rewind”, qui évoque l’impossibilité de revenir en arrière, se voit brusqué par des instruments s’emballant et mettant en scène une tentative échouée d’analepse musicale. Ce morceau se termine aussi par des sons extradiégétiques d’enfants semblant jouer en fond. On retrouve un effet similaire avec “Whispering Love”, qui clôt l’ensemble avec une touche d’apaisement et de réminiscence, avec ses oiseaux, le ruissellement de l’eau et ses poules.
Beth termine ainsi son album et laisse place à un calme énigmatique. Ce projet ne fait pas tache dans sa carrière et se pose délicatement très haut dans le classement de ses chefs-d’œuvre. Lives Outgrown n’a clairement pas pour but de continuer ou d’égaler la carrière de Portishead mais délivre une nouvelle facette de Gibbons, une partie d’elle plus sensible et personnelle que l’on espère redécouvrir avant les dix prochaines années.
Informations
Label : Domino Records
Date de sortie : 17/05/2024
Site web : bethgibbons.net
Notre sélection
- Beyond The Sun
- Rewind
- Lost Changes
Note RUL
4,5/5