Black Honey – A Fistful Of Peaches

“Hey U2, vous pouvez résoudre la faim dans le monde en nous laissant la première place, afin que nous puissions nous nourrir !“. Depuis quelques jours, un groupe multiplie les messages humoristiques sur les réseaux adressés à la formation irlandaise qui les devance dans les charts. Ces impertinents sévissent sous le nom de Black Honey, pétillante formation indie pop présentant son troisième album. Si Written And Directed (2021) avait suscité l’excitation au-delà des milieux underground qui l’ont vue naitre, cette nouvelle livraison les fera-t-elle basculer définitivement dans la lumière ?

Radio-Crochets

Alors que le groupe a, par le passé, tourné et collaboré avec le chanteur de Royal Blood, il semble que cette association ait laissé des traces. On retrouve cette même signature pachydermique, saturée de distorsion, sur le morceau d’ouverture “Charlie Bronson”. Ce démarrage au nom du “criminel le plus violent du Royaume-Uni” donne le ton de ce disque, qui enchainera les uppercuts.

La chanteuse Izzy Bee Phillips y revendique le droit d’être en colère, et ne se privera pas de la diriger contre les prédateurs masculins dans la laconique “I’m A Man”. “Rock Bottom” se charge à son tour de distribuer les crochets, Izzy doublant sa voix pour prendre l’auditeur en tenaille sur ce morceau aux faux airs emo.

Tandis que la formation se signalait précédemment par un aspect très cinématographique, inspiré de Tarantino, la formation brille ici par son naturel. Se livrant sur ses doutes et traumas, la songwritter utilise sa plume pour dessiner une porte ouverte sur son esprit.

Miel Pop

Que les puristes se rassurent, le quatuor n’a toutefois pas perdu sa singularité. S’il a davantage musclé son jeu sur cet album, la formation n’a pas oublié sa face pop délicieusement rétro et l’atmosphère rêveuse entraperçue sur son premier album. Avec son air à ne pas y toucher, la très 00’s “Heavy” se révèle pourtant irrésistible. La maitrise du rythme est saisissante, servant de rampe de lancement à un titre imparable. On retrouve cette sensation sur “Cut The Cord”, où la rêverie des couplets est pris à revers par un refrain catchy en diable.

Le single “Out Of My Mind” est quant à lui frappé de la simplicité évidente des très bonnes chansons pop. Le sens de la mélodie d’Izzy nous capte complétement, pour mieux nous attirer sur un refrain où la section rythmique nous percute de plein fouet.

Et que dire du hit en puissance “OK” ? Complétement imprégné du “When You Were Young” de The Killers, ce morceau démarre sur les chapeaux de roue, pour finir par tout renverser sur son passage dans une explosion de guitare jubilatoire. Déjà un incontournable !

Pas encore la pêche miraculeuse

La formation ne se prive pas d’exploiter la palette de tonalités dont dispose sa mystérieuse chanteuse. Après avoir démontré sa capacité à déverser ses saillies tranchantes et petites bombes indie pop, la jeune femme s’échappe dans des brumes évoquant No Doubt sur “Nobody Knows” ou “Bummer”. Bien qu’agréables, ces morceaux nous laissent un peu sur notre faim, preuve d’une attente allant crescendo au fil du disque.

Au vu du potentiel créatif de Black Honey, on regrettera ainsi que certains morceaux ne sortent pas davantage des sentiers battus (“Weirdos”, “Tombstone”). Plus tôt, “Up Against It” avait su éviter cet écueil, à la faveur d’un pont en spoken word s’engouffrant dans le sillon tracé par Wolf Alice. On sent que les Anglais en ont encore sous le pied, et que les jalons posés annoncent un futur brillant.

Entre hymnes destinés à être scandés en festival et trouvailles mélodiques, A Fisful Of Peaches renouvelle l’aura émanant de Black Honey. Intéressant sur son versant rock, l’album est à son meilleur lorsqu’il dévoile certaines des pièces d’indie pop les plus scintillantes de ce début d’année. Guitare entêtante, refrains accrocheurs et un soupçon de douceur viennent enrichir une formule qui devrait permettre de séduire un public toujours plus large.