blink-182 – California

Prenez un célèbre trio californien ayant participé à la popularisation du genre pop punk au début des années 2000 et ôtez-lui son guitariste-chanteur originel, occupé avec ses projets annexes, au profit d’un autre musicien originaire de Chicago, lui aussi au style affirmé et au talent de composition indéniable. Mélangez le tout avec un soupçon d’imagination et vous obtiendrez la formation actuelle qu’est blink-182.

Désormais de retour dans la course, le groupe américain débute aujourd’hui un nouveau chapitre avec “California”, son septième long-format et premier avec Matt Skiba (Alkaline Trio). Un album composé et enregistré en trois mois dans le studio de John Feldmann (5 Seconds Of Summer, All Time Low), marquant d’une pierre blanche la volonté du duo Barker-Hoppus de continuer sa route sans l’évincé Tom Delonge et attendu au tournant par les fans du combo.

Depuis son comeback en 2009, blink-182 n’a pas été très productif. Pire, à la suite du précipité “Neighborhoods” (2011) et de l’intéressant EP “Dogs Eating Dogs” (2012), la formation s’est faite de plus en plus rare et annonçait à chaque interview son entrée prochaine en studio en vu d’un nouvel opus, en vain. En fin de compte, il aura fallu un départ (non sans grabuge) suivi d’un élan de fraîcheur, représenté par l’arrivée de Matt Skiba dans les rangs, pour débloquer la situation et remotiver la troupe à produire un nouveau contenu.

Et quelle nouveauté! “California” est un véritable retour aux origines du succès de blink-182, à savoir un disque de pop punk dans le sens brut du terme, aux mélodies accessibles et fédératrices, à l’opposé des riffs techniques et des recherches précédemment entreprises.

Ici, le travail de composition, certes moindre par rapport à l’essai éponyme de 2003, ramène le trio dans un univers qu’il connait bien, un monde où les onomatopées sont synonymes de paroles (bonjour les “nanana”) et où les blagues courtes ont une place prédominante (“Built This Pool”, “Brohemian Rhapsody”). Ainsi, cet effort, d’apparence spontané, permet aujourd’hui aux Américains de rejaillir avec la simplicité et la fougue d’antan, à en écouter l’expéditive piste d’ouverture “Cynical”, l’excellent “Sober” ou encore “Left Alone”, trois tubes concis et efficaces. Avec ce recueil en hommage au sud de la West Coast, l’impulsivité prend de court la préméditation, n’ayant que peu réussi à blink-182 ces derniers temps, et la fluidité est de mise avec des chansons homogènes et complémentaires, même si certaines d’entre elles sortent du lot (“Los Angeles”).

Toutefois, si blink-182 fait un bon dans le passé avec “California”, ce dernier n’est pas pour autant un disque à prendre à la légère. Etant le premier sans les cordes vocales de DeLonge, l’ensemble symbolise, avant toute chose, la redéfinition et le nouvel essor d’un groupe de plus de vingt ans, où les rôles de chacun sont désormais à redéterminer. Une situation qui laisse paraître quelques hésitations et quelques manquements, à l’instar d’un Skiba trop souvent reléguée au second plan face à un bassiste omniprésent, ouvrant presque à chaque fois la voie à son acolyte. Il aurait été préférable d’avoir ici plus de parité et de complémentarité, comme à l’époque de “Take Off Your Pants And Jacket” (2001), afin d’offrir une place de choix au nouvel arrivant et d’accentuer les surprises à la “California”, “The Only Thing That Matters” et autres “Teenage Satellites”. D’autant que les timbres des deux chanteurs, assez similaires sur le papier, possèdent chacun leurs particularités, entre la profondeur de celui de Mark et la puissance du chanteur de Chicago.

Avec seize pistes cohérentes, colorées et transpirant l’été, Matt Skiba, Mark Hoppus et Travis Barker marquent un grand coup sans que personne ne l’ait réellement vu venir, fidèles au pop punk des années 2000. “California” convainc dans son ensemble et lève le voile sur un nouveau trio visiblement déjà complice, près à rebondir une nouvelle fois dès lors que l’occasion se présentera.