Body Count – Merciless

Dans un monde fracturé par les inégalités sociales et les tensions politiques, Body Count n’a jamais été aussi pertinent. Depuis les années 90, le groupe d’Ice-T s’impose comme une voix de révolte, mêlant metal et rap pour dénoncer les injustices et mobiliser les consciences. Avec Merciless, leur huitième album, ils livrent un cri brut face aux dérives de notre époque.

La lutte continue

Aujourd’hui, alors que les fractures sociales s’élargissent et que les discours de haine se multiplient, Merciless se dresse comme un miroir brutal mais nécessaire de notre époque. Le disque frappe fort dès les premiers titres, offrant une intensité qui surpasse même les précédentes sortie du groupe. Cette agressivité accrue est perceptible aussi bien dans les paroles que dans la production. Par exemple, “Do Or Die” incarne cette énergie avec ses changements de rythme et une excellente performance vocale d’Ice-T. “Mic Contract” se distingue par son riff entêtant et redondant. Le message cible une industrie musicale qui perpétue les inégalités et privilégie les profits au détriment de l’art authentique.

Ice-T a notamment expliqué que l’annulation de la tournée de l’album précédent en raison de la pandémie avait alimenté cette colère brute. Afin de transcrire au mieux l’intensité de ce qui l’anime, Ice-T a choisi de multiplier les collaborations. Ainsi, Max Cavalera apporte toute sa puissance vocale dans “Drug Lords”. L’alliance des deux chanteurs fonctionne plutôt bien sur le plan vocal, le jeu de réponses amenant un surplus de dynamisme. Côté paroles, ça pèche un peu. Les phrases trop convenues et la répétition un peu lourde donnent un résultat en demi-teinte. La proposition est alléchante, mais la réalisation manque de profondeur. La rage recherchée s’exprime également dans des morceaux comme “The Purge”, où des riffs écrasants et une batterie implacable créent une atmosphère suffocante, parfaitement en phase avec les growls de George “Corpsegrinder” Fisher.

Des collaborations audacieuses et réussies

En effet, quoi de mieux que de bien choisir ses collaborations pour apporter un peu de renouveau dans un groupe à la formule parfois un peu facile ? Fisher, figure incontournable du death metal, prête sa voix imposante à “The Purge”. Il ne se contente pas de figurer sur le morceau : il y impose sa présence avec une puissance gutturale qui amplifie le sentiment de chaos et de colère. Le tout est parfaitement aligné avec les paroles dénonçant une société gangrenée par la corruption et les faux-semblants. Sur “Psychopath”, c’est Joe Badolato, de Fit For An Autopsy, qui s’invite pour renforcer un morceau déjà explosif. Son growl viscéral ajoute une dimension presque cinématographique à cette exploration de la psyché humaine perturbée. La dynamique entre sa voix et celle d’Ice-T crée une tension qui reflète le contenu lyrique : un dialogue entre un esprit dérangé et une société qui le marginalise.

Dans un autre registre, Body Count collabore avec Howard Jones de Killswitch Engage sur “Live Forever”, dont les couplets accrocheurs résument l’idée que la véritable immortalité réside dans l’impact que nous avons sur les autres. Petit bémol : le refrain, un peu trop stéréotypé, confère un côté légèrement racoleur. Mais c’est sûrement la reprise de “Comfortably Numb” qui surprend le plus. La guitare emblématique de David Gilmour s’entrelace ici avec l’univers rugueux de Body Count. Gilmour conserve l’essence émotionnelle du morceau, notamment avec son solo éthéré qui transcende le temps. De son côté, Ice-T se saisit des couplets pour en faire une réflexion acerbe sur l’apathie collective face aux injustices sociales. Une belle surprise qui pourra en déconcerter plus d’un.

À la fois musicalement audacieux et politiquement engagé, cet album rappelle que l’art peut encore être une arme puissante contre l’apathie et l’injustice.