Le retour du Messie. Après avoir bouleversé le monde de la musique entre 2007 et 2012 grâce à deux albums aussi intimistes que majestueux, Justin Vernon, tête pensante de Bon Iver, avait décidé de se retirer. Tout juste auréolé d’un prestigieux Grammy Awards en 2012, l’Américain rentrait dans une hibernation à durée indéterminée. Il y aura bien une apparition sur le “Yeezus” de Kanye West, et une inédite lâchée pour le film de Zach Braff, “Wish I Was Here”, mais tout cela reste bien maigre. Se retirer pour mieux revenir, voilà le dessein final qui aboutit à ce “22, A Million”.
A la vue de cet énigmatique tracklisting, le labyrinthe se tissant au sein de cet album nous incite à l’appréhender d’une manière peu conventionnelle, mais de plus en plus en répandue. De son amitié avec Kanye West, Vernon en a tiré cette approche chaotique de la musique qui élève l’art de faire un disque non pas comme une suite de chansons bien distinctes, mais plutôt un ensemble d’ambiances qui tissent une toile visant à être jugée dans sa globalité.
Non pas que le rappeur américain ait inventé le concept album, mais, à l’image de son “The Life Of Pablo” blindé de samples et de textures différentes, Bon Iver propose un voyage halluciné qui nous emmène de part et d’autre de l’esprit humain. Le tout pour nous offrir un cocktail extrêmement dense en émotions.
Si Vernon a toujours utilisé des éléments que l’on pourrait qualifier d’électroniques dans sa musique, le tournant prit sur ce “22, A Million” a le mérite d’être radical. Les sons sont en permanence triturés, manipulés, modifiés pour offrir des lignes mélodiques distinctes mais jamais linéaires. Ainsi, il est compliqué de décrire cet essai en le décomposant par chansons. Les pistes s’entremêlent les unes avec les autres et offrent parfois deux ambiances radicalement différentes, comme si le découpage final de l’opus avait été décalé “22 (OVER S∞∞N)”.
L’acoustique intimiste laisse parfois place à une pop industrielle étonnamment bien maîtrisée “33 “GOD”” bien que les racines minimalistes ressurgissent de temps à autres “29 #Strafford APTS”. Bien que le nombre incroyable de sons, de textures et de mélodies puisse nous perdre, la cohérence de l’effort est ahurissante. Le voyage est si intense que l’on se demande quel point de vue en tirer, comment va-t-on pouvoir s’accrocher à certains éléments, et pourtant, la magie opère.
“22, A Million” est un voyage d’une beauté rare. Justin Vernon est un artiste complet comme on en croise peu ces temps-ci. Le virage prit par Bon Iver sur cet album permet au groupe de s’inscrire encore plus dans la légende. Il s’agit ici d’entrer par la porte d’entrée et d’en sortir une fois le voyage terminé. Entre temps, on sera passé de la mélancolie pure, de l’espoir, de la joie et du bonheur d’être en vie pour avoir la chance de recevoir une œuvre aussi sublime. Bon nombre de ces mélodies nous resteront longtemps en tête et le mieux dans cette histoire, c’est qu’en en attendant pas moins, on arrive à être euphorique d’un tel disque.
Informations
Label : Jagjaguwar / PIAS
Date de sortie : 30/09/2016
Site web : boniver.org
Notre sélection
- 29 #Strafford APTS
- 22 (OVER S??N)
- 666 ?
Note RUL
4/5