Chroniques

Bring Me The Horizon – That’s The Spirit

Un des inconvénients lorsque la notoriété d’un groupe explose, c’est qu’il devient un objet de convoitise extrêmement prisé. Combien d’album ont été gâchés par les dires d’une armée d’auditeurs frustrés ne faisant que débiter le même discours pré-construit issu de personnes très attirés par le star system que par la musique en elle-même ? Du fait, lorsqu’il s’agit d’aborder ni plus ni moins que l’opus le plus attendu de l’année, on se rend compte que tout a été dit à son sujet et ce, bien avant sa sortie. Afin de rendre la chronique la plus lisible et la plus juste possible, il ne sera pas question de traiter cette réalisation en comparatif au passé de Bring Me The Horizon et encore moins de le comparer à d’autres groupes. Imaginez votre mère le jour de votre naissance “Arf… mon premier fils était vachement mieux, celui-là ressemble vraiment beaucoup trop à Quentin, le fils du voisin.”

“That’s The Spirit” donc. Tout un sarcasme autour de la dépression et des hard times qui jalonnent plus ou moins nos vies. Car, ce qui apparait à travers les paroles de Oli Sykes, c’est que chacun mène sa propre guerre. La drogue, la dépression, la solitude… Au final, tout le monde se retrouve et la douleur est une addiction comme une autre. C’est d’ailleurs l’esprit du début de cet album. Bring Me The Horizon évacue ses plus sombres démons sur “Doomed”, rit de sa propre dépression sur “Happy Song” et se relève tel le Christ sur “Throne”, ressuscitant après un chemin de croix plus compliqué que prévu. Musicalement, si les deux singles que tout le monde connait déjà sont parfaitement dans la lignée de ce que la formation propose depuis “Sempiternal” (2013), “Doomed” distille des influences cold wave pour un morceau déchirant nous enfonçant des les abimes de l’esprit torturé de M. Sykes dès les premières minutes de cette écoute. Il est intéressant d’observer le premier quart d’heure de cet essai car, avec le recul, on se rend compte que le combo se débarrasse des ondes négatives dès le début.

Car passées ces premières chansons hyper catchies aux textes sombres, BMTH se dirige petit à petit vers la lumière. L’amour sauve un grand nombre d’entre nous sur “Follow You”, le cheesy des paroles est parfaitement traduit par une prod mid tempo pas si étonnante pour le groupe bien que des éléments R’N’B viennent habiller une chanson pop par excellence. Dansante, émotionnelle et catchy, “Follow You” fera fondre un nombre de coeur incroyable. On continue d’explorer ce que le rock a pu proposer ces vingt dernières années avec un “What You Need” qui parait assez simpliste de prime abord, mais qui offre un travail mélodique énorme, le tout supporté par une section rythmique qui n’avait jamais pris ses aises de cette manière. Matt Nicholls se permet le luxe de groover sans double pédale et Matt Kean fait vibrer sa basse dans une autre optique que celle de faire le nombre. Dans un groupe où la mélodie et les grosses guitares étaient les vraies stars, le changement est audacieux, mais amorcé avec une maîtrise déconcertante.

Il est étonnant de voir que jusqu’à la sortie de l’effort, le quintette a pris un malin plaisir à dévoiler les chansons les plus ressemblantes à son passé musical proche. Laissant la surprise des expérimentations à la véritable découverte de l’ensemble une fois en main (ou plutôt dans vos iTunes ou lecteur Spotify). Ainsi, “Avalanche” aurait pu parfaitement prendre sa place sur “Sempiternal” tant l’alliance grosses guitares, synthés entêtants et rythmique solide est une recette que Bring Me The Horizon manie avec une efficacité d’enfer. Avant d’atteindre la fin d’un disque qui passe relativement vite, il faudra passer par “Run” et “Blasphemy” qui appuient l’idée que le groupe de Sheffield explore deux décennies de rock. Oui bel hommage, mais ces vingt dernières années, il n’est pas sorti que des merveilles !

A t-on besoin de revenir sur “Drown” ? Sûrement la meilleure chanson que les Anglais ont pu écrire, elle bénéficie ici d’un lifting la rendant encore plus imparable tant comme objet de live que chanson phare sur un album dont la dynamique a véritablement été lancée avec l’écriture de cette chanson. Des guitares soulignent les ponts, les synthés renforcent les mélodies géniales et de nouveaux choeurs subliment un chant d’une qualité rarement atteinte par Oli Sykes. Par ailleurs, il ne surprendra que les idiots de voir que les cris ont quasiment disparus des skills du chanteur. Son chant est souvent appuyé par une production très solide et par de nombreux choeurs, pour la plupart féminins, rendant ses lignes particulièrement efficaces. Le son global de l’opus bénéficie même d’une production moins léchée et moins ronde que l’était celle de “Sempiternal”, ce qui donne un vrai aspect de fraicheur sur l’ensemble des pistes et du claquant, compensant le manque d’énergie de certaines compositions.

Et quitte à se faire plaisir, autant clôturer un album ultra maîtrisé par un hymne dancefloor par excellence, rendant hommage aux années 80 de la plus belle des manières : un solo de saxophone. “Oh No” donnera des frissons de plaisir à ceux qui aiment être pris à contre pied, quand elle donnera des frissons de dégout à ceux qui ont une idée bien arrêtée de ce qu’est, ou doit-être, Bring Me The Horizon.

Ayant digéré les diverses influences de ce que le rock, au sens large du terme, a pu offrir ces vingt dernières, Bring Me The Horizon signe un album qui l’installera sûrement en haut des charts, mais qui n’atteint pas la perfection artistique de “Sempiternal”. Mieux produit et extrêmement travaillé, les Britanniques offrent un essai qui passe comme une lettre à La Poste sans pour autant verser dans la facilité. Que ceux qui accusent le groupe de démagogie envers le public se penchent de plus près sur les paroles parfois très sombres ou alambiquées de ce cinquième effort studio. Malgré tout, la quasi-disparition de la violence musicale du combo rend les chansons parfois trop légères pour être vraiment des aimants sur lesquels on se fixe en permanence des mois durant. Mais nul doute que les Anglais sont en route vers un succès mérité et qui offre un semblant d’espoir quant à l’avenir du rock grand public dans ce monde glorifiant les dinosaures.

Informations

Label : Sony Music / Columbia
Date de sortie : 11/09/2015
Site web : www.bmthofficial.com

Notre sélection

  • Doomed
  • Drown
  • Oh No

Note RUL

4/5

Ecouter l’album

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN