Un an après la sortie de “Western Stars” (2019), Bruce Springsteen revient avec le E Street Band pour un album (presque) testamentaire.
“Letter To You” est le résultat du confinement. Au printemps, le Boss a composé un disque entier et l’a enregistré en cinq jours chez lui. Le tout en configuration live, ce qui était une première pour lui.
Ne convoquant cette fois pas les fantômes du passé mais l’E Street Band, l’Américain nous propose un album regroupant des morceaux des années 1970 jamais enregistrés, mêlés à des mélodies et des textes plus récents. Une sorte de best of de B-sides jamais entendues et de titres plus ancrés dans l’histoire moderne. Bien qu’à près de soixante-dix ans, Bruce nous laisse entendre qu’il a encore beaucoup de musique en lui, il est difficile de passer à côté de la sensation de gloire presque perdue et du sentiment de perte qui imprègne ce nouveau disque.
La perte d’êtres chers
La pièce maîtresse de l’ensemble est “Last Man Standing”, dont Springsteen a expliqué qu’il était inspiré par George Theiss, l’un de ses compagnons dans le groupe The Castiles. Malgré tout, cette chanson recherchant une grandeur à la “Born To Run” reste plate et peu inspirée. Le geste est malgré tout à souligner puisqu’il s’agit d’un hommage à un ami disparu.
Il a également vu des collègues du E Street Band tomber,comme Clarence Clemons et l’organiste Danny Federici. Il les voit sûrement à ses côtés dans “Ghosts”, où il chante qu’il retrouvera ses frères et ses sœurs de l’autre côté. Avec l’âge, la spiritualité du Boss suinte des titres les plus poignants.
De même, dans le dernier morceau, Springsteen chante “death is not the end and I’ll see you in my dreams.” D’autant plus émouvant.
Se cacher… Se dévoiler
La sentimentalité qui palpite à travers “Letter To You” est authentique.
Beaucoup de paroles de l’album sont introspectives : il cache ses sentiments sur “Letter To You” d’une manière qu’il ne permettrait jamais au personnage de “Downbound Train” (1984) ou des plus jolies compositions de “Nebraska” (1982). Malgré tout, avec son tempo enjoué et ses guitares vigoureuses, il renoue avec les meilleurs titres de “The Rising”, sorti en 2002.
C’est un album avec plusieurs niveaux, plusieurs époques, plusieurs états d’esprit. Bruce Springsteen navigue constamment entre compositions plus récentes, plus désabusées (“I’ll See You In My Dreams”, “Rainmarker”), et des titres que l’on ressent plus naïfs et emplis d’une fougue adolescente (“Janey Needs A Shooter” et “If I Was The Priest”, un peu en dessous des compositions modernes par instants).
…Mais être en paix avec soi-même
“Letter To You” se termine aussi contemplativement qu’il commence, avec l’espoir l’emportant sur la fin. Malgré tout, sa réconciliation avec le passé et ses fantômes viendra. La fin, celle du monde, de la vie et la mortalité se résument à cette simple ligne dans “Ghosts” (décidément l’un des morceaux les plus inspirés de cet album, parfois inégal) : “I’m alive!”
Le Boss n’en a pas fini avec la musique. Et heureusement, il a encore des choses à dire.
Informations
Label : Sony Music / Columbia
Date de sortie : 23/10/2020
Site web : brucespringsteen.net
Notre sélection
- Letter To You
- Ghosts
- One Minute You’re Here
Note RUL
4/5