Deuxième volet de la trilogie entamée avec Leather Teeth, Leather Terror est là pour enfoncer le clou à coups de metal brutal et de pop fluo.
Revenons sur le premier volume de la trilogie Leather. Nous sommes en 1987, et Bret Halford est fou amoureux de Kendra, cheerleader de son lycée américain. Comme dans toutes les comédies américaines, cet amour n’est pas réciproque et plutôt que de passer à autre chose, Bret se lance dans une expérimentation que le laissera défiguré et fou de colère, bien destiné à devenir une rockstar pour se venger.
Flash forward en 1991 : le glam metal de Leather Teeth (2018) est passé, place au rock metal industriel et aux néons pop de Los Angeles.
Du glam metal scintillant au rock industriel sombre
On retrouve Bret Halford cette fois plus violent, plus tragique et plus fou. Devenu tueur en série, on scrute à travers ses yeux (tel le film Maniac, avec le morceau “Day Stalker”) ses futures victimes.
Tel le crescendo malsain d’un slasher des années 1980, Leather Terror est l’expression de la violence de son personnage principal : une montée quasiment permanente, étouffante de sons metal. Autre nouveauté à part celle du style de musique plus sombre : l’accent est mis sur les collaborations, qui permettent à Carpenter Brut de dévier de son habituel penchant pour les titres instrumentaux. Qu’on ne se méprenne pas : l’enchaînement “Day Stalker” / “Night Prowler” est redoutable d’efficacité, et enfonce le clou (dans la tête de sa victime, sans aucun doute) avec “Color Me Blood”, déchaînement de son.
Là où Carpenter Brut n’en oublie pas le son frontal et incisif, les collaborations permettent de lui aménager de petits temps de transition. Celle de “The Widow Maker” est imparable : Alex Westaway de Gunship est incroyable sur ce morceau, tout en force et malgré tout en nuances. Car on peut être un gros bourrin et aimer la subtilité. Ou Madonna.
Moment de célébration lumineuse et pop : l’excellent et tubesque “Lipstick Masquerade”, une bombe pop tout droit sortie des années 1990 et portée par l’incroyable Persha. Seule petite respiration dans un album écrasant de son et de noirceur.
Entre violence et respiration
Ce qui ressort de ce disque très énergique, c’est aussi le travail des influences. Digéré le glam metal, on emprunte ici celui ouvert par Nine Inch Nails ou Rammstein. Les modèles du genre ne sont jamais très loin, et cela étoffe grandement la musique de Carpenter Brut. Loin de se contenter de l’électronique proposé par le passé, on note ici un vrai travail de la musique, de recherche du son et d’une véritable cohérence pour un ensemble dense sans être indigeste. Les titres les plus “soft” (“Stabat Mater”), comme les plus brutaux (“Leather Terror”, monument de noirceur malsaine), se déroulent naturellement grâce à la structure de l’histoire de Bret Halford.
Permettant de créer une vraie cohérence artistique, cette articulation sous forme de récit est brillante. On se prend au jeu de suivre ce petit film sur les exactions de Bret Halford, rythmées et ce de plus en plus fort, jusqu’au pinacle, par les basses implacables de Carpenter Brut.
Un disque qui se déroule comme un film mais que l’on peut écouter séparément. Préparez “Lipstick Masquerade” pour vos soirées entre amis, et gardez vous “… Good Night, Goodbye” pour les moments plus intimes.
Dans tous les cas, faites tourner cet album encore et encore, comme un film culte que l’on reverrait en boucle. Chaque écoute dévoilera quelque chose de nouveau que vous n’avez pas appréhendé. Mais nul besoin d’être fan d’horreur pour Leather Terror ou passionné de musique électronique, laissez vous guider dans les méandres de l’esprit de Bret Halford et vous verrez que vous pourrez y trouver votre compte.
Le propre de la musique c’est aussi de faire naître des images, en plus d’émotion. Nul doute que chacun, avec l’appui de Carpenter Brut, se créera son propre film.
Informations
Label : No Quarter / Virgin Records
Date de sortie : 01/04/2022
Site web : carpenterbrut.com
Notre sélection
- Lipstick Masquerade
- Imaginary Fire
- Day Stalker
Note RUL
4/5