Artiste phare du très qualitatif label Sargent House (Deafheaven, Emma Ruth Rundle, Russian Circles). Musicienne précoce élevée dans le studio d’enregistrement de son père; Chelsea Wolfe est réellement active depuis 2010 et impressionne, chaque fois un peu plus, par la qualité d’écriture et les différents univers qu’elle propose.
Entre ombres et lumières
Alors que “Abyss” (2015) et “Hiss Spun” (2017) propulsaient l’auditeur dans une noirceur plombée d’éléments drones, metal et des sonorités industrielles parfois surréalistes, il était légitime de se demander comment l’artiste reviendrait de cet environnement souvent très exclusif.
“Birth Of Violence” se construit donc sur ces cendres et sur un terrain inattendu, piochant dans les influences dark folk et rock de sa carrière.
Comme elle le confiait récemment dans une interview, l’album a été enregistré à la suite de sa tournée avec A Perfect Circle avec une volonté de revenir à une base guitare acoustique/voix pour un résultat plus intimiste. Bien plus qu’un retour en arrière, ce nouveau disque est une vraie synthèse démontrant toute la maîtrise des ambiances et du propos que la chanteuse distille depuis dix ans.
Le morceau introducteur “The Mother Road” ouvre remarquablement l’ensemble, de simples accords, une voix, bien vite soutenue par une discrète batterie. La seconde moitié est sublimée par une orchestration aérienne soutenue par la voix répétant “Bloom and eclipse them / Wake up and transform” et sa conclusion “Guess I needed something to break me”. L’obscurité n’est donc jamais loin.
L’enchaînement “American Darkness” / “Birth Of Violence” offre cette dualité constante entre guitare minimaliste et arrangements électroniques donnant une ambiance nébuleuse, une sensation déroutante située entre tristesse et sérénité. Plus doux en apparence mais pas moins puissant pour autant.
En délaissant les apparats de la lourdeur post metal au profit d’une puissance maîtrisée Chelsea Wolfe réussit à nous toucher soit par la sensibilité qu’elle exprime sur “Be All The Things” soit par l’ambiance quasi fantomatique et minimaliste de “Preface To A Dream Play”.
Au delà de sa folk vaporeuse, la Californienne n’en reste pas moins connectée au monde dans lequel elle vit. Le lugubre “Little Grave” adopte le point de vue d’un élève abattu lors d’une tuerie de masse et de celui des parents qui en subissent la perte.
Infusion lente
Enregistré chez elle avec Ben Chisholm, multi instrumentiste collaborant à son aventure musicale depuis 2009, elle s’entoure également à nouveau de Jess Gowrie, déjà présente sur “Hiss Spun” et d’Ezra Bucla pour la section des cordes.
L’ensemble est, contrairement aux habitudes passées, mixé de façon à mettre plus en avant la voix de Chelsea Wolfe sublimant ainsi la noirceur de sa folk, et en proposant une version évoluée de ce qu’elle proposait en 2011 sur “Apokalypsis”.
Ce nouvel album demande une écoute attentive, moins percutant, plus sinueux. Il faudra y revenir pour apprécier la discrète complexité des arrangements et la finesse de la production. L’aspect dépouillé laisse place à une beauté brute sur laquelle il est bon de s’attarder. L’excellent et rugueux “Deranged For Rock & Roll” sera la meilleure porte d’entrée aux fans des deux précédentes productions.
On traverse donc avec émotions la longue route entre “The Mother Road” et “Highway” au gré des solitudes et errements de Chelsea Wolfe avant la conclusion sonore “The Storm”.
Puis le silence, celui qui est nécessaire pour digérer et se refaire le film de son écoute, revivre des instants particuliers, quasi introspectifs.
S’il y a peu d’artistes qui peuvent procurer ses sensations, Chelsea Wolfe et sa comparse américaine Marissa Nadler font assurément partie des ces diamants rares.
Informations
Label : Sargent House
Date de sortie : 13/09/2019
Site web : www.chelseawolfe.net
Notre sélection
- The Mother Road
- Deranged For Rock & Roll
- Highway
Note RUL
4/5