Cigarettes After Sex – X’s

“Cet album est brutal“, confie Greg Gonzales au sujet de X’s, le nouvel album de Cigarettes After Sex. Une révélation surprenante. Le groupe texan est plutôt connu pour sa torpeur légendaire, tant dans les rythmes de sa musique que dans la fréquence de ses sorties. Hommage à une seule relation amoureuse, X’s s’inscrit dans la pure tradition de ce que le groupe propose habituellement. Un troisième disque monochrome et vaporeux, dont la musique et les paroles flirtent avec poésie entre la frontière ténue du réel et du rêve.

Vague à l’âme cinématographique

Dans X’s, chaque chanson est comparable à une scène tirée d’un film noir des années 40 et 50. Pas si surprenant quand on sait que dans sa vie d’avant, Greg Gonzales était gérant de cinéma. Ces influences sont imprégnées de lieux, comme des souvenirs qui défileraient sur une diapositive, conférant à l’ensemble une trame narrative. El Paso, la ville d’origine de Gonzales, une plage de Californie, un voyage en Europe, le Texan revisite les moments forts, heureux et moins heureux, de cette relation de quatre ans. À l’écoute de “Tejano Blue”, c’est bel et bien la douleur d’un homme et de son cœur meurtri qui s’expriment à l’unisson. Ce premier single renoue avec les ingrédients caractéristiques du groupe : des arpèges de guitare cristallins, une voix androgyne et des paroles autour de la perte et du désir.

What’s up Cigs?

Sans grande surprise, les dix morceaux s’enchaînent avec une belle lenteur, ode à la contemplation et à la nostalgie. Au lieu de condamner Cigarettes After Sex à refaire inlassablement le même album, penchons-nous sur les différences notables de X’s. À commencer par sa genèse. L’écriture entre des chambres d’hôtel et d’autres lieux insolites capture une fraîcheur et une urgence qui servent le propos. “L’énergie de chaque lieu a infusé notre musique de nuances différentes“, confie Greg Gonzales. Et il est vrai que les refrains entraînants de “Holding You, Holding Me” ou de “Baby Blue Movie”, dans une veine slow dance 70/80, donnent envie de bouger la tête. Enfin, l’utilisation de synthétiseurs analogiques permet d’enrichir subtilement la musique proposée par les Texans.

Retour au sommeil ?

Chez Cigarettes After Sex, la monotonie a toujours eu deux visages : celui de l’attente et celui de l’espoir. Si la lenteur et la torpeur des compositions ne sont pas nouvelles, quelques lueurs d’espoir empêchent l’écoute de ce nouvel album de sombrer dans les eaux troubles de l’ennui. On pense notamment au final époustouflant, “Ambien Slide” avec sa basse omniprésente et la voix d’un Greg Gonzales plus affirmée. D’autres percées, plus subtiles, comme sur “Silver Sable”, viennent auréoler le disque d’une atmosphère “douce-amère” qui permet à X’s (et à l’auditeur) de garder la tête hors de l’eau. Est-ce peut-être parce que l’artiste a déclaré ne pas vouloir oublier cette relation, mais plutôt vouloir écrire ces chansons pour la “revivre de manière positive” ? La musique n’est ni plus ni moins qu’une façon de prendre un nouveau départ pour son créateur.

Jamais deux sans toi

X’s est un testament sonore de la capacité de Greg Gonzales à transformer le chagrin en quelque chose de sublime et d’universel. Dans une danse lente et imagée, les bribes de douleurs passées côtoient des moments extatiques plus éphémères. Plus intime et plus affirmé que jamais, Cigarettes After Sex livre un troisième album qui ne révolutionne rien, certes, mais qui fait tellement de bien. Et ce n’est peut-être déjà pas si mal.