Death Cab For Cutie – Asphalt Meadows

Dixième album en vingt-cinq ans pour la bande originaire de Bellingham.

Le dixième album d’un groupe ou d’un artiste est toujours une sorte de cap. Attendu par les fans inconsciemment ou non. Une espèce d’anniversaire étrange, faisant le bilan des dix années précédentes et des prochaines à venir.

Pour Death Cab For Cutie, cet anniversaire mérite d’être célébré, car il signifie également son vingt cinquième année d’existence. Depuis Something About Airplanes en 1998, les piliers du rock indépendant produisent de la musique emo rock sensible, pleine de lyrisme et parfois d’un aspect sérieux pouvant refroidir les fans et les néophystes. Leur dernier album, Thank You For Today (2018) étant éclatant sur la forme mais plus terne sur le fond. Avec Asphalt Meadows, le quatuor semble et sonne plus vivant qu’il ne l’a fait depuis longtemps.

Toujours pertinent

Comme indiqué juste au dessus, même en ayant traversé les vingt-cinq dernières années cahin-caha parfois, Death Cab For Cutie reste pertinent dans notre monde actuel. Sa musique également. Le groupe se débat avec des considérations actuelles et des sources d’angoisse : l’anxieté, la terreur vis à vis du monde et de ses changements. Des thèmes loin d’être joyeux mais qui sont drapés dans du rock indé optimiste, des distorsions de guitare et des refrains imparables.

Le titre éponyme s’ouvre sur une grosse caisse et un clavier rappelant furieusement les rythmes les plus dansants des années 1980. Ce titre devient une toile de fond sur laquelle Ben Gibbard esquisse des récits d’angoisse tangible. Ce thème de l’angoisse, de l’anxiété et de tous ses synonymes berce le disque.

Emo rock

Les pionniers du rock indépendant teinté d’emo nous démontrent qu’ils sont toujours dans l’évolution, le changement et tournés vers l’avenir. Asphalt Meadows ne se contente pas de répéter la mélancolie habituelle des morceaux de Death Cab For Cutie. Au lieu de cela, il approfondit et donne du corps à sa signature sonore sans pour autant lui tourner le dos. À la fois lyriquement et musicalement, c’est un travail mature, laissant tout de même la porte ouverte pour la nouveauté et non la nostalgie. “Here To Forever”, cependant, est l’une des meilleures chansons de Gibbard depuis des années. Un autre morceau questionnant la vie et la mortalité et probablement le meilleur morceau de l’ensemble.

Mais la véritable pépite de Asphalt Meadows c’est son avant-dernier morceau, “Fragments From The Decade”. Récit lent et de grande envergure sur la perte, la mémoire et le passage à autre chose, le morceau se déroule à un rythme tranquille. Tout en douceur, en mélancolie et en chant subtil, il nous rappellera les titres les plus mélancoliques de la formation.

La chanson la plus saisissante de l’album est “Foxglove Through The Clearcut”, où le chanteur Benjamin Gibbard parle et slamme plus qu’il ne chante, sur de simples notes effectuées par la basse, la guitare et les percussions. Les notes se répètent en boucle tout au long de la chanson, créant un rythme hypnotique qui laissera la majorité en dehors. Moment étrange mais nous rappelant que Death Cab For Cutie ne se repose jamais sur ses lauriers et continue ses expérimentations.

Le groupe nous offre des thèmes profonds, avec une légèreté rythmique qui ne trahit jamais le sérieux des textes : le rythme mélodique presque timide de “I Don’t Know How I Survive”, ponctué à certains moments par des guitares déformée; le ton industriel, voire martial, de “Roman Candles” juxtaposant une musique forte avec un texte traitant du désir de lâcher prise sans pouvoir réellement le faire; ou encore les lamentations pop sur la beauté éphémère des relations perdues avec “Pepper”.

Avec vingt-cinq ans de carrière sous la ceinture, Death Cab For Cutie est maintenant considéré comme un groupe mature mais en aucun cas obsolète et dépassé. Asphalt Meadows n’est ni une refonte nostalgique des précédents disques, ni un album sorti dans l’urgence et fade, peu novateur. C’est plutôt une déclaration que le groupe peut à la fois occuper une place de choix (voire même la première) dans le panthéon du rock indépendant, le tout en produisant de nouveaux titres, morceaux, et albums, tenant la dragée haute à ses précédentes sorties.