La retraite à soixante ans ? Connaît pas. Deep Purple écume la scène musicale depuis 1968 et ne compte pas raccrocher ses instruments. Avec le départ du guitariste Steve Morse, nous voilà dans l’ère Mark IX. Sans tomber dans l’âgisme, la nouvelle recrue Simon McBride baisse la moyenne d’âge, mais pas les standards de qualité avec ce nouvel album.
Banger by the book
C’est ce dernier, accompagné du seul membre fondateur Ian Paice à la batterie, qui ouvre les festivités avec le titre “Show Me”. Le prodige d’Irlande du Nord ne se fait pas prier pour faire monter la tension avant la détonation portée par une session rythmique dont la solidité n’est plus à prouver. Ian Gillan possède encore une voix dont il respecte désormais les limites depuis le milieu des années 2000. Plus de “Child In Time” en live, on accepte le présent pour pouvoir jouer une musique qui est la seule chose non impactée par le temps. C’est tout à l’honneur d’un véritable travail d’équipe.
McBride amène un jeu plus direct et qui tend plus facilement vers le blues. Il se marie parfaitement avec l’instrument dont Deep Purple est indissociable : les claviers. D’ailleurs, Don Airey ne ménage pas ses touches, “Lazy Sod” et “Bleeding Obvious” à l’appui. En revanche, il est dommage de constater la mise en retrait de Roger Glover avec sa quatre cordes. Un parti pris qui n’est pas uniquement relatif au mixage. Cela n’empêche pas d’apprécier le déferlement de groove qui compose le disque. “Sharp Shooter” avec ses chœurs gospel, le tourbillon délicieusement psychédélique de “Portable Door”, le choix est diversifié.
Les aventuriers de l’âge perdu
L’écart avec l’incroyable Perpendicular (1996) et le mésestimé Rapture Of The Deep (2005) semblait annoncer un chant du cygne du groupe. Mais avec l’aide de Bob Ezrin à la production depuis 2013, Deep Purple explore et dépoussière des pans de son univers. Collaborateur de Pink Floyd et Lou Reed, pour ne citer qu’eux, il est celui qui a sorti les membres du groupe d’une certaine zone de confort. En cinq albums un peu perdus dans l’édition d’une myriade de lives, la formule tend à éviter la répétition pour proposer une approche musicale proche des racines et influences de la formation. Du retour en force de Now What ?! (2013) aux frontières de l’americana avec les reprises de Turning To Crime (2021), il n’y a pas de place pour la redite.
Cependant, il est évident que l’innovation n’est pas de mise sur cet album. Ce n’est ni le sujet, ni l’envie. Est-ce que le groupe dont “Smoke On The Water” est souvent la première suite d’accords apprise par les novices à la six cordes se doit encore de transcender le genre ? Non. Là où le dynamisme et la composition auraient tendance à pêcher, l’émotion compense. Des chansons comme “If I Were You” et “I’ll Catch You” peuvent ennuyer certains auditeurs. “Now You’re Talkin'” a des énormes relents de “Highway Star”. Mais c’est fait avec le cœur. Deep Purple ne s’appuie pas uniquement sur la technique. Et si cela ne produit pas un nouveau In Rock (1970) ou Machine Head (1972), on s’en moque.
La couleur pourpre
Reprocher à un groupe d’être prolifique et talentueux, ce serait cracher dans la soupe. Bien qu’on puisse s’y perdre dans une discographie où les sorties des années 70 se distinguent largement du lot, il est dommage de ne pas se pencher sur l’avant et l’après. Ne pas réduire un groupe à son âge d’or, comme ne pas réduire ses musiciens à leur âge, c’est la moindre des choses. Loin d’être l’album de l’année, et alors ? Ce vingt-troisième disque est un plaisir à faire tourner sur les platines.
Cet album est un baptême du feu dans les règles de l’art pour un groupe qui n’a rien à prouver. Simon McBride se conforme à l’identité musicale de Deep Purple tout en y insufflant une partie de son style. Ils ont choisi judicieusement.
Informations
Label : earMUSIC
Date de sortie : 19/07/2024
Site web : deeppurple.com
Notre sélection
- Show Me
- Lazy Sod
- Bleeding Obvious
Note RUL
3/5