Chroniques

Defeater – Letters Home

Deux ans après leur dernier album, les américains de Defeater inaugurent la sortie d’une nouvelle création, “Letters Home”, parue le 16 juillet chez Bridge Nine Records. Perpétuant un style narratif contextuel prenant pour décors l’histoire d’une famille américaine après la Seconde Guerre Mondiale, “Letters Home” constitue la suite des deux premiers tomes, “Travels” (2008) et “Empty Days And Sleepless Nights” (2011). Un effort qui a des tripes, marqué par la mise en lumière du nouveau batteur, Joe Longobardi, et qui ne fait pas défaut à l’exaltation auditive à laquelle le modern hardcore du groupe nous a habitué.

Le quintette de Boston a su maintenir une attente quasi insoutenable avec la parution filée de leur album, dévoilant trois morceaux au cours de ces derniers mois, permettant de nous maintenir en haleine jusqu’à la sortie de l’opus tant espéré. “Bastards” ouvre l’album; premier titre et premier single à avoir été dévoilé en juin dernier, ce morceau constitue une entrée franche dans le disque tant l’assaut sonore est direct. Suivi de près par “No Shame”, et sa force lente et lourde qui prend sa puissance par vagues et à-coups sonores, ces deux morceaux-piliers mettent en scène une batterie qui tout du long de l’essai rythmera avec fracas en se débattant au milieu d’un tsunami sonore, aussi dévastateur que l’émotion escomptée par la formation. L’aspect amer utilisé par Defeater dans ses créations, prend ici une forme plus pathétique, glissant vers la souffrance et la fatalité, comme l’évoquent les paroles. Toutefois, dans cet effort, le storytelling utilisé à outrance marque les limites du procédé, ce qui crée une certaine répétition, en usant trop de la tournure narrative jusqu’à l’épuiser et lui retirer toute sa portée lyrique. Dans “Letters Home”, la part de magie auditive se fait indéniablement dans la subtilité de structuration des compositions. Le groupe opère en utilisant de nombreux effets de style imprimant la construction des morceaux; les répétitions et les ruptures sonores agrémentent le récit, pour lui donner une dimension encore plus forte. “Bastards”, “Hopeless Again” ou encore “Bled Out” développent ces effets par l’aspect quasi névrosé de la répétition en boucle de phrases clés, reflétant une sorte de hantise qui illustre les propos de Derek Archambault sur la guerre et ses souffrances. Les riffs des titres se font par afflux sonores, certain moments de pauses instrumentales venant apaiser le chaos entamé pour conférer aux créations une énergie vivante, comme rythmée par des respirations. Le chant se confronte à une batterie qui se démène avec des guitares en collision, donnant l’impression d’une réelle démonstration de force entre chant et instruments. C’est ce que donne à entendre “No Savior” et sa progression en trois étapes : calme, bataille et défaite. Débutant avec la délicatesse de guitares mélodieuses, le morceau s’intensifie puis s’appauvrit jusqu’à ne laisser plus que le battement de la batterie et la brise de quelques notes de guitares; créant une ode sonore dans l’histoire contée. Amertume, rage et désespoir constituent le décors lyrique de l’album, comme le montre de manière explicite “Hopeless Again” et son jeu de batterie effréné. “Blood in My Veins” apparait plus brut que les autres compositions, mais arrive, comme à bout de souffle, à nous offrir des ruptures instrumentales toujours aussi somptueuses, au milieu d’une discordance rythmique que l’on retrouvera également dans le dissonant “Rabbit Foot” ou encore “No Relief” et son featuring avec le chanteur de Blacklisted. “Bled Out” signe la beauté structurelle de l’ensemble en mettant fin à son ouvrage dans une piste majoritairement instrumentale. Une beauté symétrique qui constitue une véritable réponse au morceau d’ouverture, “Bastards”, en reprenant la construction de la phrase principale dans une dimension plus sombre et plus grave, pour offrir un final parfait.

“Letters Home” est un album intense, subtilement ouvert puis scellé, contenant en son coeur trente-quatre minutes de hardcore mélodique aux senteurs post hardcore dans un growl à couper le souffle. Malgré quelques lacunes narratives, la forme musicale qu’emploie Defeater demeure fidèle à leur démarche et revet tout son éclat dans un album aux effets de style travaillés et fort en émotion.

Informations

Label : Bridge Nine Records
Date de sortie : 16/07/2013
Site web : www.facebook.com/defeaterband

Notre sélection

  • Bastards
  • No Shame
  • Bled Out

Note RUL

4.5/5

Ecouter l’album