Depeche Mode – Memento Mori

Hanté par la disparition tragique et soudaine l’an dernier d’Andrew Fletcher, Depeche Mode nous prouve avec Memento Mori que le groupe n’en a pas fini avec la musique. Ce qui aurait pu précipiter la fin du désormais duo lui sert aujourd’hui de nouveau départ, funèbre et funeste.

Revenir à l’essentiel

Single offert au public bien avant la sortie du disque, “Ghosts Again”, est dans la droite continuité des titres les plus anciens de la formation. “Shake The Disease” n’est pas loin, tant par sa mélodie accrocheuse que par sa mélancolie, sa noirceur et sa lourdeur rythmique. Beaucoup de fans avaient été convaincus, tout comme nous, par ce morceau. Mais attardons nous sur le reste de l’ensemble.

Écrit avant la disparition d’Andrew Fletcher, l’album a été pensé comme une réflexion autour de la propre mortalité de Dave Gahan, principalement lors de la pandémie de COVID-19. L’ironie est cruelle, mais rend l’écoute et l’analyse de ce nouveau disque d’autant plus intéressant. Il prend une nouvelle résonance et a d’ailleurs engendré une nouvelle intimité plus prégnante entre les deux membres restants.

L’accueil se fait avec “My Cosmos Is Mine”, morceau sombre posant un décor funèbre pour le reste de Momento Mori. Sauf qu’il ne faut pas se fier aux apparences, et sous ses apparats mélancoliques, la voix de Dave Gahan réchauffe le titre. Ce sera finalement l’un des seuls morceaux “tristes” de ce Memento Mori, et les morceaux comme “Wagging Tongue” et ses influences “kraftwerkiennes“, “Caroline’s Monkey” et sa pop sautillante ou encore “People Are Good”, rappelant les heures les plus froides de Depeche Mode, ramènent tous ce gothique flamboyant que l’on aime tant.

“Souviens-toi que tu vas mourir”

Avec sa chaleur funèbre mais enveloppante, Memento Mori apparaît comme un hommage à Andrew Fletcher. Un geste d’amitié et d’amour qu’il n’aurait sûrement pas renié.

Martin Gore, comme toujours, s’octroie une piste avec le doux “Soul With Me”. Les influences plutôt rétro de Gore sont étonnantes mais rafraîchissantes, et nous ramènent aux titres plus anciens du groupe. Comment ne pas penser à “Strangelove” ou les tout débuts de Depeche Mode avec “Never Let Me Go” ? Ce dernier morceau, sorte de joyau noir mélancolique, brille par sa sécheresse électronique. Encore une fois on lorgne du côté de la cold wave et même du pur électro, déjà envisagé avec son influence à peine déguisée de Kraftwerk.

“Speak To Me”, morceau clôturant Memento Mori, résonne comme l’ultime cri d’un vivant. Un brouhaha achève de noyer la voix de Dave Gahan, fermant la marche (funèbre) de cette triste parade musicale.

En ayant délaisser les empilements de titres les plus oubliables les uns que les autres et revenant aux bases, aux sources et aux racines de ce qui fait Depeche Mode, les Anglais nous livrent un album testamentaire émouvant. Une messe noire que l’on quitte avec regret.