D’abord prévu pour le 17 septembre, le nouvel album des gars de Bedford a été repoussé au 22 octobre pour cause de retard dans la production des vinyles du disque. L’attente valait-elle la peine ?
Nous avions gardé un œil attentif sur Amazing Things, curieux de voir une nouvelle évolution du quartet de Bedford. Don Broco est probablement l’un des groupes de “rock” les plus intrigants de ces dernières années. Chaque sortie est une révolution en son genre, innovant et intriguant. Rien qu’à voir les multiples coupes de cheveux abordées par Rob Damiani, cette fantaisie s’entend aussi sur les compositions musicales. Que peut-on espérer d’une formation qui se remet constamment en question et qui nous surprend à chaque album ?
Faire mieux que l’album précédent : une tâche ardue
Soyons clair dès maintenant : Don Broco s’en tire de manière tout à fait honorable avec Amazing Things. Comptant près de seize titres, l’ensemble peut vite sembler interminable. Mais il commence de la meilleure des manières avec “Gumshield”, petite bombe rock nous rappelant les plus belles heures de Priorities (2012). Le bavard “Manchester Super Reds No.1 Fan” nous démontre le talent de rappeur de Rob Damiani ainsi que la maîtrise technique et musicale de chaque musicien (Simon Delaney, Matt Donnelly et Tom Doyle). Les puristes y retrouveront même quelques relents des tous premiers morceaux du groupe (“Thug Workout”).
Une belle entrée en matière ne méritant que d’être prolongée et étirée ! Et c’est là que le bât blesse.
En passant de l’excentricité des deux premiers morceaux à des titres plus en retrait comme “Endorphins” ou “Anaheim”, quelque peu en deçà des premières bombes pop rock, on met le doigt sur l’ambivalence de ce disque. Seize titres c’est long et cela peut donner un arrière-goût de remplissage. Là encore tout est affaire de sensibilité. Tout le monde ne viendra pas chercher la même chose dans ce Amazing Things.
Néanmoins, notons les qualités musicales, techniques et verbales des morceaux comme “Uber” (une charge contre le racisme ordinaire) ou “Swimwear Season”, tout en rythmes percutants.
Les textes : une autre facette de Don Broco
Si quelques morceaux tirent l’album un peu vers le bas et sont franchement dispensables (“Bad 4 Ur Health”, fouillis inachevé), le point fort des Anglais reste le songwriting. Une toute autre dimension s’ouvre et la force de Don Broco est là : des textes sérieux sur des thèmes de société avec des musiques toutes plus inattendues les unes que les autres. Hormis “Bruce Willis”, véritable exercice de style dans lequel l’interprète essaie de caser au chausse pied un dialogue d’un de ses films préféré dans un titre. On touche ici au cœur de ce qu’est Don Broco, ou en tout cas de la direction que semble prendre le groupe au fur et à mesure de ces albums. Jouer sur une dichotomie permanente entre le fond et la forme. Passionnant.
Après plusieurs écoutes, notre avis se nuance. On associe des thèmes intéressants à une musique tout aussi captivante, mélangeant des styles et une instrumentation inhabituelle. La sensation est particulière, et on se dit que le groupe se jette dans le vide sans filet. Et de fait, dans le contexte du disque appréhendé en globalité, “Manchester Super Reds No.1 Fan”, le premier single, sonne presque “grossier” à côté de morceaux plus recherchés mais dont la sensibilité nous avait échappé.
Les chansons existent par elles-mêmes de manière tout à fait cohérentes, même si certaines ont du mal à trouver leur place dans Amazing Things. Le paradoxe entre l’examen de conscience et la destruction de soi est ici particulièrement fort. Se punir pour du racisme ordinaire, pour le fait de se soucier plus de son bikini que de la planète, de se sentir plus important que quiconque. Mais a contrario de se rappeler que l’on n’est qu’un homme parmi tant d’autres. Que l’on a perdu des êtes chers suite à la COVID-19 et que l’on se sent moins seul dans cette épreuve quand on sait que d’autres l’ont traversé. Tout cela pour se dire qu’il faut s’aimer et se serrer les coudes, tout en acceptant nos propres paradoxes. Et si finalement ce n’était qu’une vision du monde actuel ?
Informations
Label : SharpTone Records
Date de sortie : 22/10/2021
Site web : www.donbroco.com
Notre sélection
- Gumshield
- Manchester Super Reds No.1 Fan
- How Are You Done With Existing?
Note RUL
4/5