Deux ans après l’électrisant Extreme Witchcraft (2022), Mark Oliver Everett et sa bande sont au rendez-vous avec la sortie d’un nouvel album. En réalité, Eels ne chôme pas depuis 1996 et n’a jamais laissé plus de quatre ans entre plusieurs disques. Un sens du rythme qui n’a absolument rien à voir avec une croisière. Une opération à cœur ouvert, les séquelles de l’isolement, le temps qui n’arrête pas sa course, vous écoutez EELS TIME!
Anguille sous rauque
Front kick sur scène tout en restant appuyé sur son pied de micro, E est de retour. Dans cet esprit de reconnaissance, “TIME” va à l’essentiel. Guitare acoustique limpide, arrangements épurés, une voix s’élève pour exorciser de nombreuses nuits blanches. La mortalité n’est pourtant pas un thème étranger à la discographie du leader, mais il s’agit de la sienne cette fois. Une réflexion douce sur la partition, amère sur le papier. Le tout combiné sur une courte ballade avec une simplicité à laquelle on peut s’identifier. “Time, there isn’t much time now. What’s the fear? Well, I like it here with the ones I love so near“.
Le multi-instrumentiste ne boude pas son plaisir à varier avec les extrêmes d’un disque à l’autre. La suite est donc du même acabit, avec quelques moments plus acerbes. La section rythmique de “GOLDY” et “IF I’M GONNA GO ANYWHERE” débarque avec un son saturé. Deux morceaux qui représentent des pièces maîtresses dans la philosophie de Eels. Les métaphores animalières teintées de mélancolie ne quittent pas l’artiste, ce qui est ironique pour un groupe qui tient avant tout son nom d’une technique d’analyse de physique. Mais bon, on ne va pas noyer le poisson !
Is time really on my side?
Au-delà de son champ lexical, l’univers sonore demeure familier. De la mélodie apaisante de “I CAN’T BELIEVE IT’S TRUE” aux harmonies percutantes de “LAY WITH THE LAMBS”, cet album est une bande-son qui s’apprécie au premier plan comme en fond.
La force du récit et de l’écriture peut être mise en parallèle avec le dernier disque de Taylor Swift. Mark Oliver Everett peut être qualifié de département des poètes torturés à lui seul, “HAUNTED HERO” à l’appui. “There’s a place with your face down in the road you have to get to somehow“. En revanche, les deux albums souffrent parfois des mêmes motifs musicaux à la première écoute. Une pop un peu éteinte par moments qui manque de cette étincelle dont chaque artiste est capable de transformer en brasier. En douze chansons au lieu d’une trentaine, le constat est le même. À l’instar du Eras Tour parisien, peut-être que ces morceaux trouveront un nouveau souffle sur scène.
Yes, it is!
Enregistré entre la Californie et l’Irlande, EELS TIME! résonne de façon claire et juste. Chaque période de la vie de Mark Oliver Everett est illustrée par un album studio qui ne détonne jamais dans l’œuvre du Californien. Sauf qu’aujourd’hui, il est un écorché vif dans tous les sens du terme. Après une chirurgie réussie, il se tient debout pour démontrer qu’il survit à toutes les peines que son cœur peut endurer. Le blues vivace n’est pas de la partie sur ce disque, mais il n’est jamais loin. Il faut savoir savourer les instants de tranquillité. Même s’il est justifié de se demander parfois si l’auteur de “I Need Some Sleep” parvient à trouver le sommeil entre vie personnelle, tournées, enregistrements, et partage de playlist sur Spotify.
He (els) can do it with a broken heart
La magie de Eels, c’est de faire rimer anxiété avec légèreté. Quinzième album d’une riche discographie, EELS TIME! a besoin d’un peu de temps pour convaincre dans son ensemble. Cela n’enlève en rien à la qualité des nouvelles compositions. Elles flirtent avec le bilan de trente ans de carrière et avec la promesse de lendemains meilleurs. Une musique intimiste et lancinante en somme. God damn right, it’s a beautiful day!
Informations
Label : PIAS
Date de sortie : 07/06/2024
Site web : www.eelstheband.com
Notre sélection
- TIME
- IF I’M GONNA GO ANYWHERE
- I CAN’T BELIEVE IT’S TRUE
Note RUL
3,5/5