Trop metal pour être rangé dans l’électro mais trop électro pour se résumer à n’être qu’une simple formation de post/hardcore ou de rock alternatif. Tel est l’éternel dilemme d’Enter Shikari qui fait figure d’outsider depuis ses débuts. Et ce n’est pas avec leur septième album A Kiss For The Whole World que les Anglais vont nous réconcilier avec les étiquettes.
En quête d’inspiration
Avant d’évoquer le successeur de Nothing Is True And Everything Is Possible (2020), il convient de faire un retour en arrière. À peine le disque sorti, Enter Shikari doit faire face au confinement lié à l’épidémie de COVID. Si l’isolement profite à certains artistes, Rou Reynolds doit affronter le syndrome de la page blanche. Pas une ligne pendant vingt mois. C’est après avoir lu Walden (Thoreau) que le chanteur et sa bande décident de se retirer dans la campagne anglaise. Pendant trois semaines, ils aménagent dans une vieille ferme leur propre studio, uniquement alimenté par l’énergie solaire. Un défi personnel qui en appelle d’autres : Rou s’essaie aussi à la production sur cet album. Les premiers résultats de cette expérience sont dévoilés début 2023 avec le single “(pls) set me on fire”. Qualifié de “dégueulis d’énergie” par le groupe, ce tube mélange des synthés mélodieux à un rock alternatif survitaminé. À l’image de la fleur de lys sur la superbe pochette (signée Polygon1993), Enter Shikari résiste et se montre prêt à briller dans ce monde sombre et hostile.
Deuxième acte
A Kiss For The Whole World n’est pas un énième album d’Enter Shikari. D’après Rou, il marque “le second acte du groupe“, animé par l’envie de créer une musique taillée pour le live. Ne faisons pas durer davantage le suspense : le pari est tenu. Quand “Dead Wood” débute sur des orchestrations et finit sur du vocoder, l’électro très Prodigy-esque “Bloodshot” pousse la folie à l’extrême, pour notre plus grand plaisir. La force de Shikari réside dans sa capacité à conjuguer rock et électro avec harmonie. Mais ne vous y méprenez pas, derrière les rythmes envolés et les synthés généreux, Rou aborde son lot de sujet sérieux. Il est entre autres question d’identité, de peurs et de la manipulation des réseaux sociaux. À tel point que la voix prend parfois le pas pour nous exhorter à “questionner nos croyances personnelles” (“Jailbreak”).
Vite, le dessert avant le plat
Dans cette course folle à l’optimisme, Enter Shikari réalise une autre prouesse avec ce septième disque : ne pas sacrifier ni déliter son identité. Quand le tube “It Hurts” propose un pur refrain de rock alternatif, “Goldfish” signe le titre le plus violent avec quelques screams et guitares saturées. Seule ombre au tableau, la durée de A Kiss For The Whole World : à peine plus de trente minutes contre plus de quarante habituellement. D’autant plus que les trois interludes instrumentales n’apportent pas grand chose, même si elles ont le mérite de structurer et d’aérer l’ensemble. On termine donc l’écoute avec un léger sentiment de frustration. Celui qu’Enter Shikari a peut-être un peu manqué de générosité malgré l’enthousiasme débordant qui auréole l’album ?
Un dernier baiser
Que retenir de cette virée entre potes dans le campagne anglaise ? Malgré sa courte durée, A Kiss For The Whole World dit finalement beaucoup de choses, dans beaucoup de styles. Enter Shikari n’a ni perdu son grain de folie, ni son penchant naturel pour l’expérimentation. Après plus de vingt ans de carrière, le quatuor semble s’éclater autant qu’au premier jour, continuant avec joie et humilité de tracer son propre sillon.
Informations
Label : So Recordings / Silva Screen Records Limited
Date de sortie : 21/04/2023
Site web : www.entershikari.com
Notre sélection
- Bloodshot
- (pls) set me on fire
- Goldfish
Note RUL
4/5