“My childhood was small but I’m gonna be big.” C’est sur ces paroles que s’ouvrait le premier album des Irlandais de Fontaines D.C.. Cinq ans plus tard, le quintette post punk passe de la poésie de la classe ouvrière à une émotion plus large. Désir de transcender, soudain ou planifié ? Romance nous éclaire sur la question en cette veille de rentrée.
Doctor Fontamour
Énième groupe à arborer en pochette une forme éloignée de l’organe symbolique de l’amour, la représentation romantique du cœur n’est pas centrale à l’album. Il ne faut pas oublier que le grand A regroupe une multitude de sentiments, étant plus complexes ressentis ensemble qu’individuellement. Police d’écriture identique à celle de Skinty Fia (2022), cet équilibre renvoie à la symétrie du cœur depuis son illustration dans Le Roman d’Alexandre. Si Fontaines D.C. maintient très bien l’illusion d’un chemin tracé, est-ce que la musique le retranscrit avec autant de brio ?
Au cœur du sujet
Léger larsen et notes qui font écho aux premiers films de Wes Craven, le titre éponyme ne lésine pas sur une ambiance aux premiers abords sinistre. “Into the darkness again in with the pigs in the pen.” Puis arrive un piano qui accompagne le chant aérien et mélodique de Grian Chatten lorsqu’il suppose que “maybe romance is a place.” L’angoisse demeure tout de même présente grâce aux notes de clavier, et par la répétition du premier motif musical.
De nouveau, les notes de piano résonnent de façon plus cristalline. Elles accompagnent cette fois des violons distordus dont le son semble s’échapper d’un ancien poste de radio ou de télévision. Tom Coll dégaine ses baguettes pour marteler les fûts tandis que Grian déballe tout ce qu’il a sur le cœur, en se rapprochant du rap, avant l’arrivée des guitares de Carlos O’Connell et Conor Curley. Riffs incisifs tout en évitant la lourdeur, arrangements hypnotiques, “Starbuster” ne ménage personne. Avec son rythme prophétique, il colle à la peau de la même manière que “Wake Up” de Rage Against The Machine colle à The Matrix des sœurs Wachowski.
The bigger picture
Bien que les références soient présentes, finement distillées comme Korn ou frontales avec un “Here’s The Thing” échappé de Bossanova (1990) de Pixies, Fontaines D.C. parvient à enchaîner différentes atmosphères. Tout en jonglant avec des sonorités à la fois modernes et intemporelles, les cassures de cadence sont brutales. Mais cela ne démontre pas une inégalité du disque. Bien au contraire. À la rigueur, une légère folie des grandeurs qui se traduirait par cette envie d’aborder une multitude de sujets avec une foule de stade. Une connexion honnête qui se traduit par le partage de quelque chose de fort et à la fois banal. Les interrogations du quotidien sont présentes, avec leur lot de crises d’angoisse et parfois d’euphorie. Parce que Romance n’est pas un album sur la vision hétéronormée de l’amour dans la société actuelle. Il s’agirait plutôt d’un caractère non-binaire.
Le point fort de Fontaines D.C. est de ne pas tomber dans les stéréotypes tout en voulant rassembler. La nouvelle parentalité et un succès grandissant ont eu raison d’autres artistes avant eux. Heureusement, le groupe est bien entouré, en la personne du producteur James Ford et d’un nouveau label, XL Recordings, écurie de Radiohead depuis In Rainbows (2007). Du passé, faisons table rase ? Bien que la mère patrie ne soit pas au centre du nouvel album, le quintette ne renie pas ses origines. Certes, avoir un morceau qui perce sur TikTok peut être déconcertant, comme cela était le cas de “I Love You” présent sur Skinty Fia. Mais la remise en perspective, d’après les aveux du groupe dublinois, serait plus proche de la nostalgie.
Through the looking glass
En moins de quarante minutes, le quintette capture l’essence de ses sujets tout en les retranscrivant tantôt avec une énergie brute, tantôt avec une douceur fidèle à leur forme de poésie. Avec des arrangements plus sophistiqués au service de l’exploration des relations humaines, ce qui paraît être un changement radical dans leur son n’est qu’une affirmation.
Avec Romance, Fontaines D.C. nous livre un album surprenant aux ambitions fortes. Une véritable prise de risque de vouloir s’adresser au plus grand nombre. Mais après tout, qui ne tente rien n’a rien. Le véritable casse-gueule, c’est de vouloir être aimé de tout le monde. Même si vous ne versez pas dans la romance, Fontaines D.C. prend par les sentiments.
Informations
Label : XL Recordings
Date de sortie : 23/08/2024
Site web : fontainesdc.com
Notre sélection
- Starbuster
- Here’s The Thing
- Death Kink
Note RUL
4/5