Valeur sûre du live, Frank Carter & The Rattlesnakes a laissé une marque flamboyante dans de nombreuses fosses de concerts et de festivals. Ses sonorités mêlant punk et power pop rassemblent depuis presque une décennie un public toujours plus large. Désireux de ne pas se reposer sur leurs lauriers, les Anglais annoncent un cinquième disque placé sous le signe du changement. Les serpents à sonnette réussiront-ils leur mue ?
Solid snake
Dès la première écoute, on se rend compte que cet album peut se découper en trois catégories. La première assure une continuité avec les compositions de Sticky (2021). L’ouverture “Honey” regroupe ainsi tout ce à quoi les fans peuvent s’attendre sur une sortie du duo. Avec son rythme entraînant au service d’un phrasé punchy et addictif, ce Dark Rainbow commence donc sous des auspices familiers, bouclées en 2min30. Pourtant, il faudra attendre… l’avant-dernier morceau pour retrouver ce schéma, avec “Self Love” et son pont très réussi. Tranchant avec le catchy de la précédente livraison, cette raréfaction renforce l’impact de ces moments, au sein d’un ensemble reléguant les tempos directs et débridés au rang d’exception.
Toutefois, cette évolution prend davantage la forme d’un rééquilibrage que d’une véritable renaissance. Les précédents disques avaient montré avec parcimonie que le duo savait proposer des alternatives à ses brûlots anthémiques. Ici, ces expérimentations font office de colonne vertébrale d’un album marqué du sceau de l’audace.
Un son plus complexe
Il est frappant de constater l’aspect beaucoup plus travaillé des arrangements. Malgré son ton familier, “Man Of The Hour”, illustre cette évolution d’approche. Ce premier single se distingue en effet par une emphase évoquant les récentes arabesques d’Arctic Monkeys. La classieuse “Can I Take You Home” prend également plaisir à dévoiler le côté crooner de Frank Carter, servi par de nouveaux motifs rythmiques.
Le travail de son comparse Dean Richardson est pour beaucoup dans l’enrichissement du son. Se signalant précédemment à la guitare, le multi-instrumentaliste démultiplie sa palette d’effets, tant à la six cordes qu’aux claviers. Il en résulte une sensation de liberté créative jamais atteinte par le groupe, émancipé des codes hardcore qui l’a vu naître. Cette richesse permet ainsi de passer d’un mid-tempo à la Queens Of The Stone Age (“American Spirit”) à une ambiance cinématographique aux touches orientales (“Brambles”). Même les titres plus convenus bénéficient d’ajouts brisant la linéarité, au détour de nappes de synthés ou de l’apparition soudaine d’un violon (“Happier Days”).
Rentrons, il commence à pleuvoir
Délicieux contrepoint à l’enrichissement de leur son, les Anglais achèvent de livrer leurs intentions les plus personnelles sur des morceaux remarquablement épurés. Introduit par l’aérienne “Queen Of Hearts”, ce moment suspendu annonce la sublime “Sun Bright Golden Happening”. Le délicat piano entrevu précédemment continue son œuvre, déployant ses charmes sur l’intégralité de cette nouvelle ballade, achevée par quelques notes de cuivre du meilleur effet. Émotion garantie !
Ces accalmies mettent en valeur la performance vocale bluffante du frontman, qui excelle à nous communiquer sa sensibilité. Comme un symbole, le paroxysme nous est révélé sur l’ultime chanson “A Dark Rainbow”. La fragilité du propos nous frappe ici de plein fouet, dans toutes ses nuances. Là où “Neon Rust” du second disque se terminait dans le chaos, ce dernier morceau prend le contrepied de nos anticipations, pour s’achever dans une retenue finalement plus singulière. Une conclusion d’une belle sincérité, laissant l’auditeur dans une douce quiétude.
Le virage était annoncé, il a bel et bien eu lieu. Ainsi, ce nouveau disque n’est clairement pas le repaire de titres décapants à la “Juggernaut” ou “I Hate You”. Pour autant, il se dégage de cette mue quelque chose de fascinant et d’organique, qui enrichit considérablement le catalogue de Frank Carter & The Rattlesnakes. À défaut de faire bouillir les fosses, ce Dark Rainbow réchauffera bien des cœurs.
Informations
Label : International Death Cult / AWAL
Date de sortie : 26/01/2024
Site web : andtherattlesnakes.com
Notre sélection
- A Dark Rainbow
- Can I Take You Home
- Sun Bright Golden Happening
Note RUL
4/5