Ghost – Skeletá

Sixième album pour le groupe suédois, et premier mettant en scène le nouveau pape satanique : Papa V Perpetua. Récit d’un disque fleuve anachronique, faisant se percuter des influences hard rock FM des années 1980 et une étonnante fraîcheur pop.

Bas les masques

A moins de vivre au fond d’une caverne depuis un peu moins de 10 ans, il est difficile de passer à côté de Ghost. Le groupe de metal satanique/power pop occulte (on entend d’ici les récriminations des fans du tout premier album) écrase tout sur son passage : les charts, les cinémas (le film Rite Here Rite Now a été un énorme carton aux Etats Unis) et les cœurs des metalleux les plus chevelus. Menant à la baguette ce projet, l’homme derrière le masque Tobias Forge profite de ce nouveau disque pour se dévoiler encore un peu plus. Sous les oripeaux de Papa V Perpetua, le Suédois nous fait découvrir un peu plus son visage et encore plus ses influences musicales diverses. Reprenant le sillon pop de Impera (2022), Skeletá le renforce, le creuse et le sublime.

Cela commence par l’ouverture “Peacefield”, parfaite pour un début de concert. Les plus connaisseurs n’ont pas manqué de relever l’étonnante influence et gemellité du titre avec celui de Journey “Separate Ways (Worlds Apart)”; Forge signe et persiste avec ce morceau ultra référencé : on embarque pour un voyage pop et sombre teinté de classiques 80’s.

Ce premier morceau (et les deux suivants “Lachryma” et “Satanized”) démontre l’évolution de la musique de Ghost. S’éloignant des textes et des thèmes purement satanistes, le changement d’orientation se fait sentir avec le nouveau pape mais aussi une nouvelle sensibilité que nous ne connaissions pas chez Tobias Forge. Il n’y a qu’à écouter le superbe “Guiding Lights”, probablement l’un des meilleures titres de l’ensemble, pour savourer une tessiture et un chant plus en finesse et tout en émotion retenue.

Per Aspera Ad Astra

Mais revenons juste sur “Lachryma”, représentant quasiment à lui tout seul cet album : la fougue de la jeunesse, le texte presque issu d’une fan fiction de Twilight, le tout emballé par des guitares agressives mais ultra pop. Nul doute qu’avec un emballage si “accessible” Ghost va continuer d’étendre ses fidèles. A la fois contemporain mais bercé de souvenirs d’un rock FM facile à consommer.

Ghost n’a pas pris les chemins les plus simples pour frapper au cœur les auditeurs au début de sa carrière. Mais désormais l’efficacité de l’écriture de Forge et ses acolytes est d’une puissance imparable. “De Profundis Borealis” est une bombe en puissance, portée par des guitares et des chœurs magistraux. La voix de Forge est également à son apogée et le chanteur livre une de ses meilleures prestations. Clôturant parfaitement la première face très pop de ce Skeletá, il introduit la noirceur de la seconde face avec “Cenotaph” et “Marks Of The Evil One” qui aurait eu toute sa place sur Infestissumam (2013). Mais ce serait sous-estimer l’amour de la laque, du fluo et des imprimés de léopard de Forge qui ne peut s’empêcher de glisser la pépite pop “Missilia Amori” au milieu de tout cela. On frôle Def Leppard, Journey ou encore Warrant avec ce titre. Quelque peu décalé dans cet ensemble teinté de noirceur, mais plaisant comme respiration.

L’étrange “Excelsis” clôture le disque sur ces mots (prophétiques ?): “This is the end of the avenue, I’m afraid of eternity too“. Qu’en comprendre ? Que ce Papa V Perpetua n’est finalement qu’un passage, tout comme les précédents ? Ou que Forge continuera d’explorer de nouvelles facettes de ses envies (et de ses malles de vinyles probablement) dans les prochaines années.

Suivant les premières influences de Impera mais les développant et en laissant quelque peu de côté son imaginaire diabolique, Ghost s’impose avec ce sixième album comme une sorte de groupe d’arena rock sur lequel il faut compter. Ceux qui ne l’avaient pas compris jusqu’à maintenant en ont désormais la certitude. Tobias Forge est là pour conquérir le monde avec ses papes sataniques et il ne compte pas s’arrêter de sitôt.