Artiste surdoué s’étant fait remarquer sur de nombreux featuring, Jordan Benjamin dit grandson a complétement explosé aux yeux du grand public avec le titre “Blood // Water”. Trois ans plus tard, son premier album Death Of An Optimist (2020) n’est pas complétement parvenu à convertir les promesses entrevues précédemment. Entre rap, rock et expérimentations électroniques, le Canadien saura-t-il rectifier le tir avec son second disque ?
50 nuances de gris
Si certains pouvaient en douter à la vue du titre, cet I Love You, I’m Trying est tout sauf un recueil de chanson d’amour. Le trio introductif se charge ainsi de mettre fin au suspens : oubliez les fleurs bleus, l’ambiance sera lourde ou ne sera pas ! Après une introduction cinématographique aussi planante qu’intrigante, le premier véritable morceau “Eulogy” nous ramène en terrain connu. On retrouve ce rap nonchalant évoquant fortement Twenty One Pilots, agrémenté de guitares grunge et de beats marqués. “Something To Hide” monte d’un cran dans l’intensité. Les couplets se font plus chantés, l’électronique du refrain est un véritable clin d’œil aux aficionados de “Blood // Water” … avant de s’interrompre soudainement. Une respiration dans le morceau ? On pourrait le croire à la vue de la transition soyeuse, qui nous amène en fait vers le dernier volet de la trilogie, “Drones”. Premier single dévoilé, ce titre prend une dimension supplémentaire par la montée en puissance opérée. Les beats se font plus puissants, le refrain plus entêtant. De quoi dynamiser son prochain passage au Trabendo en septembre prochain !
Couvrant les thèmes très personnels d’un passé difficile, émaillé de difficultés familiales et mentales, le fond est en accord avec la forme. Seule véritable éclaircie dans la grisaille ambiante, la solaire “Half My Heart” fait presque figure d’ovni avec ses atours de chanson d’été façon Machine Gun Kelly.
Un talent narratif certain
Comme ce dernier, grandson fait partie de cette génération d’artiste brassant les influences et refusant d’être affilié à une chapelle particulière. Cet album est une nouvelle fois l’occasion de démontrer que sa signature musicale prend le dessus sur un genre particulier.
Le sommet de l’ensemble est atteint sur “Murderer”. Le jeune homme y propose une grande diversité de sonorité et de rythme, nous embarquant dans un morceau à tiroir mené avec maestria. La narration y est particulièrement brillante, traitant de l’ascension et la chute d’un artiste façon “Le Chant Des Sirènes” d’Orelsan (“Maintenant, je regarde tous ces enfants me dépasser/j’étais l’homme de la semaine dernière/l’algorythme est contre moi/Mon contenu n’est pas vu, ça me dévaste“). Difficile de ne pas y voir des passages autobiographiques au sein de ce morceau-fiction. Symbole d’une aisance à varier les plaisirs, l’artiste enchaine avec la superbe ballade “Heather”, remerciant à titre posthume la première fan à lui avoir témoigné son soutien (“je ne serai pas là sans toi, sans que tu y croies, maintenant je suis ici sans toi“). Ce titre particulièrement touchant montre que les capacités vocales de l’artiste ne se limitent pas au rap.
Muscle ton jeu grandson !
Pourtant, malgré toutes les promesses entrevues, ce disque peine à maintenir l’intérêt de bout en bout. Alors que grandson excelle lorsque que l’intensité monte d’un cran, il nous laisse parfois sur notre faim par des promesses non converties (“When The Bombs Goes”, “Enough”). Certaines pistes nous donnent également le sentiment d’être à cheval entre la volonté de proposer des morceaux plus grand public et son penchant naturel pour l’expérimentation (“Stuck Here With Me”, “I Love You, I’m Trying”). On saluera en revanche la volonté de créer une atmosphère cohérente, renforcée par la présence de deux interludes très réussis, conférant une dimension presque cinématographique à l’ensemble.
Si le potentiel est indéniable, on ressort finalement frustré d’une écoute qui ne permet pas de faire passer grandson au statut d’espoir qui lui colle tant à la peau. On passe un moment agréable, mais pas aussi marquant qu’attendu. Vraiment dommage au regard des bonnes idées déployées ici et là. Gageons que la prochaine fois sera la bonne.
Informations
Label : Warner Music
Date de sortie : 05/05/2023
Site web : www.grandsonmusic.com
Notre sélection
- Heather
- Murderer
- Half My Heart
Note RUL
3/5