Quatorzième album de la bande de Billie Joe Armstrong, Saviors renoue avec les thèmes utilisés de manière récurrente tout au long de la carrière de Green Day : l’adolescence, la politique, et le désir de ne pas se conformer aux dogmes en place. Ajoutons à cela l’humour mordant des textes du groupe et une vision particulièrement acide et réaliste de son époque, et vous obtiendrez Saviors.
“American Idiot”, vingt ans plus tard
Le trio post punk de la Bay Area n’aurait pas pu faire mieux comme suite, plus de vingt ans après American Idiot, que ce Saviors post-Trump là où l’album de 2004 critiquait allégrement l’ère de Bush. Comme quoi, vingt ans plus tard, les combats sont toujours les mêmes et toujours aussi nécessaires.
Cela ne veut pas dire que les cinq disques de Green Day entre American Idiot et Saviors n’ont pas brillé ou eu d’impact sur la scène rock. Ils l’ont fait, certains plus que d’autres (comme l’oubliable trilogie Uno / Dos / Tré). Mais aucune de ces sorties n’a mis en lumière de manière aussi crue et sans compromis l’actualité mondiale, ainsi que l’ennui existentiel des adultes, que ces deux albums. Là où American Idiot nous éclatait au visage avec sa fougue punk et son discours outrancier, Saviors prend plus de recul sans pour autant que son message ne perde de la force.
La quête de vérité et de justice, l’amour (sous sa forme la plus naïve et adolescente avec “Bobby Sox” par exemple) et l’idiotie, l’intolérance, et le rejet des normes convenues continuent d’alimenter les textes de Billie Joe Armstrong sur Saviors. Le punk rock, lui, irrigue toujours autant la musique du trio. Il se teinte parfois d’accords plus pop rappelant The Beatles (“The American Dream Is Killing Me” et sa mélodie vous restant en tête après l’écoute), d’un hardcore punk efficace (“Look Ma, No Brains!”) ou d’un surf rock influencé par The Beach Boys (le tube en puissance “Corvette Summer”).
On prend les mêmes et on recommence
L’ombre de Flogging Molly, de Nirvana ou des précédents albums du groupe est bien présente. Tels des fantômes hantant les trente ans de carrière de Green Day, les influences de Nimrod (1997), Insomniac (1995)(la déclaration d’un père à son fils avec “Father To A Son” pourrait être tirée de Insomniac vu que le disque était clairement dédié aux périodes d’insomnie du jeune papa) ou Warning (2000) sont présentes, de manière plus ou moins subtile, tout au long des morceaux de Saviors.
Là où American Idiot était revendicateur, Saviors est revanchard mais aussi nostalgique, ce qui n’était pas présent sur l’album anti-Bush. Il n’y a qu’à écouter “1981” ou “Suzie Chapstick”, tous les deux tournant autour des souvenirs, du rock n’roll et d’un passé révolu. Mais Armstrong s’appesantit à peine sur le passé pour revenir à ses amours : croquer avec mordant notre société et ses travers. Et quel morceau de plus “in the face” que “Living In The 20’s”, titre parlant ouvertement de l’ultraviolence quotidienne de la société américaine. Toujours aussi percutant.
Passant en revue nos névroses, nos hontes et la bêtise, la méchanceté et le sarcasme d’une société malade, Green Day enrobe le tout dans un pop punk subversif et efficace pour mieux nous faire passer la pilule de Saviors. Désabusé et profondément mélancolique, Saviors continue le chemin entamé par American Idiot. On se revoit dans vingt ans pour la fin de la trilogie ?
Informations
Label : Warner Music
Date de sortie : 19/01/2024
Site web : greenday.com
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