A peine plus d’un an après “Head In The Dirt” (2013), le chanteur-compositeur-interprète Hanni El Khatib, nouveau prodige du rock garage américain, revient avec “Moonlight”, sous le label Innovative Leisure Records/Because Music. Dans une entrevue avec “Tsugi”, le rockeur qualifie son œuvre de “mélange entre un python qui s’étrangle, et un album de Can déformé”. Ailleurs, il déclare que sa musique ne peut être comprise que par ceux “qui se sont fait tirer dessus ou qui sont passées sous un train”. A quel point ce bad boy dit-il vrai ?
Alors que la tendance musicale est aux années 90, à la nostalgie des premiers sons numériques, que l’on essaie de retrouver et d’améliorer, Hanni El Khatib, lui, réussit le pari de remonter le temps jusque les années 50-60, sans même essayer, sans superflu, seulement avec sa voix et ses compositions aussi neuves qu’inspirées de ces années charnières de la musique. Au croisement des genres, le chanteur fournit un son parfois soul, parfois punk, avec des notes groovy, mais toujours rétro. Dès le premier mot, vous vous retrouvez près du jukebox d’un routier enfumé par le tabac de motards et autres jeunes ayant fugué en fin de soirée pour passer la nuit en bordure de ville avec un groupe d’amis. L’artiste nous embarque dans un univers sombre et mystérieux, sexy et nostalgique, qui n’a de pareil. Cet opus est en cela une véritable balade dans l’Amérique brumeuse d’il y a un demi-siècle, en passant à moto, cigarette à la bouche, et cheveux au vent, par la Route 66. Seulement, à y prêter davantage l’oreille, il semblerait plus juste de dire que cette Amérique soit celle que nous connaissons, mais vue côté garage. Il remet au goût du jour une époque lointaine, tout en y ajoutant le vécu musical de cinquante ans de rock. Ses influences s’y retrouvent à merveille : cela va de Elvis à Nick Cave notamment pour son côté sombre, en passant par The Cramps. Et ce n’est pas tout, “Moonlight” est très marqué par The Black Keys (rappelons que Dan Auerbach avait participé au précédent essai), mais également David Bowie, Wu Tang Clan, ou encore The Clash et Iggy Pop. Hanni El Khatib est tout aussi divers dans l’héritage qu’il a reçu, que le nombre de ses capacités artistiques. Le musicien joue lui-même tous les instruments présents sur l’opus, excepté la batterie. Il n’a pas froid aux yeux, et n’hésite pas à innover. Certains morceaux tel que “Two Brothers” duquel les paroles sont quasiment absentes, sont particulièrement inattendus dans leur composition : des violons, un son plus lumineux, et un rythme qui donne envie de claquer des doigts. Après les guitares saturées que l’on trouve sur “Melt Me” ou “The Teeth” par exemple, la ballade qu’est “Worship Song (No.2)”, cette piste presque funk tranche avec tout ce qui a existé auparavant, et pourtant conclut le disque avec brio, comme une dernière surprise qui démontrerait l’étendue de ce qu’il peut encore fournir. Ce n’est pas comme si nous nous faisions vraiment du soucis : avec trois accords, l’artiste créé des rythmes accrocheurs illustrant très bien le Can “déformé”, qui soutiennent des paroles intrigantes, parfois même sombres, et torturées, soutenant l’image du python, ou de la balle reçue qu’il utilise pour qualifier sa musique, le tout avec une facilité déconcertante.
Depuis “Head In The Dirt”, le travail du californien a pris en maturité et confiance. Alors que sa seconde production avait été une déception pour beaucoup, qui s’attendaient à un travail dans la lignée de “Will The Guns Come Out” (2011), débordant de franchise. “Moonlight”, quant à lui, est une véritable réussite, un petit bijou, à la fois subtil et revigorant. Il est innovant et rétro à la fois. Le chanteur décore le garage, le rénove, et surtout le colore. Les trente jours passés dans un studio sans voir la lumière de la lune auront donc payé, et auront contribué à rendre le tout sauvage, sexy, brut, rock, mais surtout honnête.
Informations
Label : Because Music
Date de sortie : 19/01/2015
Site web : www.hannielkhatib.com
Notre sélection
- Melt Me
- Chasin’
- Moonlight
Note RUL
4/5