Après avoir annoncé il y a quelques jours que ce disque pourrait signer la fin de sa carrière, on est d’autant plus excité à l’idée de voir comment Iggy Pop, âgé de soixante-huit ans, compte nous faire ses éventuels adieux. Quatre ans après “Après”, album avec essentiellement des reprises de chansons françaises qui lui avait valu les foudres de son label, Iggy Pop semble revenir aux sources. Et pour ce grand retour, Iggy Pop s’est entouré de musiciens hors pairs : Josh Homme (Queens Of The Stone Age) à l’écriture et à la production, Dean Fertita (QOTSA) et Matt Helders (Arctic Monkeys).
Difficile de savoir à quoi s’attendre avec une telle équipe derrière cette nouvelle offrande. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Iggy Pop n’a pas menti sur le nom “Post Pop Depression”. En effet, les neuf chansons qui la composent ont toutes pour dénominateur commun de plonger l’auditeur dans une sorte de mélancolie où l’Iguane aborde les thématiques de la vieillesse et de la mort. “Gardenia”, premier titre révélé, recèle de quelque chose d’hypnotique voire même d’ésotérique. La basse ronronnante, l’accompagnement et la montée rock de la guitare électrique nous plongent dans une fièvre urbaine de laquelle il est difficile de sortir. Le lead fantomatique de “In The Lobby” ne semble avoir été écrit que pour retentir en écho dans nos têtes. Et les surprises sont omniprésentes : l’étonnant xylophone sur “American Valhalla”, les chœurs féminins et les magnifiques mélodies de la très rock n’roll “Sunday”, où l’on sent la patte de Josh Homme. Le psychédélisme guitaristique de “German Days” nous plonge un peu plus dans cette folie, palpable tout au long de l’ensemble. Et que dire de la voix d’Iggy Pop qui semble ici complètement habitée (la très prophétique et menaçante “Break Into Your Heart”) et qui ne nous laisse respirer qu’après avoir crié ses derniers maux sur le final “Paraguay” ?
Ce nouveau disque est déroutant car la légendaire primitivité d’Iggy Pop s’est quelque peu distillée grâce, et non pas à cause, des nombreuses influences qui parsèment l’opus. S’il semble être dans la “retenue”, James Newel Österberg Jr., de son vrai nom, ne s’est pas complètement assagi pour autant : la noirceur et l’étrangeté qu’il dissémine dans chaque piste propose une énième version de son art, et ce n’est pas plus mal. Bien sûr, on y perd en spontanéité mais l’audace est belle et bien présente. L’objet final est le fruit d’un long travail, mur et irréfléchi, qui demandera à l’auditeur de nombreuses écoutes pour en tirer toutes les ficelles. Un morceau comme “Vulture”, qui nous entraine dans les fins fonds du désert, demandera par exemple plusieurs écoutes avant d’être assimilé. Et pourtant, malgré les écoutes prolongés, on ne peut s’empêcher de penser qu’avec un pareil casting de musiciens, on était en droit d’attendre à encore mieux. La force combinée d’artistes qui collaborent crée souvent des espérances trop élevées qui ne peuvent être, dans la plupart des cas, honorées. Ici, c’est un peu le sentiment qui se dégage par moment.
“Post Pop Depression” nous invite à ce qui pourrait être une dernière valse avec Iggy Pop. Dangereux, politiquement incorrect et parfois audacieux, cet effort studio qui, en surface a tout du disque raté, car il est tout et son contraire, est un fait un bon essai. Son authenticité n’étant pas à remettre en cause, l’Iguane livre ici une version plus sophistiquée de sa musique. Peut-être que l’on n’aurait pas autant salué la démarche si l’on ne connaissait pas le passé de la rockstar. Mais Iggy Pop livre ici une leçon de vie, que presque aucun artiste de son envergure n’a su montrer : on peut casser l’image que les gens se font de vous et en instaurer une autre, différente et authentique. Et c’est cette différence qui fait de “Post Pop Depression” un bon album.
Informations
Label : Caroline
Date de sortie : 18/03/2016
Site web : www.iggypop.com
Notre sélection
- German Days
- Gardenia
- In The Lobby
Note RUL
4/5