Si Ihsahn est une figure de proue incontestable du black metal avec l’héritage qu’il a laissé derrière avec Emperor, le Norvégien est aussi connu pour ses productions solo de qualité. Prolifique et constant, le multi-instrumentiste n’en est pas à son premier coup d’essai puisque “Àmr” est déjà son septième album en un peu plus de dix ans.
Ce sont les synthés analogiques d’une autre planète qui ouvrent “Àmr”, très vite rejoints par la voix écorchée d’Ihsahn. D’emblée, on comprend que ce septième opus conjugue tradition et modernité, avec son lot d’expérimentations habituel. Véritable acrobate musical, Ihsahn n’en a que faire des styles et jongle avec black metal (“Wake”), metal progressif, jazz moderne et synthwave. Sur “One Less Enemy”, le Norvégien rompt les codes du metal en diluant quelques notes de synthé martiales au-dessus de riffs saccadés, ajoutant une dimension cinématographique, palpable tout au long de l’ensemble. Pas si étonnant lorsqu’on sait qu’Ihsahn a beaucoup écouté les B.O. de films de John Carpenter : le break électro de “In Rites Of Passage” nous plonge dans une ambiance dont le malaise n’a rien à envier à ceux que l’on peut ressentir dans les films du réalisateur.
Toute proportion gardée, si “Àmr” reste relativement simple dans les structures et moins avant-gardiste que ses prédécesseurs, c’est l’approche sonore de ce nouveau méfait qui ajoute de la complexité et de la saveur au disque. Les synthés analogiques apportent une touche très orchestrale et follement hybride aux compositions, alors que les structures progressives et souvent mélodiques des guitares font écho au meilleur d’Emperor et d’Opeth dans les années 90 (“Sámr” flirte presque avec la ballade). D’ailleurs, l’ombre des Suédois n’est pas loin puisque Fredrik Åkesson (Opeth) livre un magnifique solo sur le single “Arcana Imperii”. Démarche décontenançante, sans doute. Habituelle, très certainement, lorsque l’on sait que le Monsieur n’a jamais versé dans la facilité, quitte à trop intellectualiser sa musique et perdre quelques auditeurs en chemin. Dernier point fort de l’album, une performance vocale impressionnante et contrastée en alternant voix gutturale et voix claire, parfois assez proche d’un Mikael Åkerfeldt (Opeth).
Tout comme “Arktis” (2016), cette nouvelle offrande est riche en contraste car souvent sombre et lumineux au sein d’un même titre. Et si Ihsahn avoue vouloir produire des albums toujours plus sombres, on ne peut qu’admettre que le pari est réussi. Fidèle à lui-même, le quarantenaire a pris des risques et ces risques auront le mérite de séduire des auditeurs dont l’exigence n’a d’égal que le talent sans limite du Norvégien. Car aussi paradoxal que l’est l’effort studio, “Àmr” est bel et bien l’œuvre la plus accessible d’Ihsahn.
Informations
Label : Spinefarm Records
Date de sortie : 04/05/2018
Site web : www.ihsahn.com
Notre sélection
- Arcana Imperii
- Sámr
- In Rites Of Passage
Note RUL
4/5