Joker: Folie à Deux (Music From The Motion Picture)

Après la révélation inattendue de l’album Harlequin de Lady Gaga, il est impossible de rester indifférent à la bande originale du film Joker : Folie à Deux réalisé par Todd Phillips, composée par Hildur Guðnadóttir et multi-interprétée, sortie ce vendredi 4 octobre. Chronique garantie sans spoilers.

Ceci n’est pas une comédie musicale

Composé par Hildur Guðnadóttir, l’album est principalement interprété par Lady Gaga, ce qui ne surprend guère, tant son implication dans ce projet cinématographique semble naturelle. Interprète populaire, elle sait envoûter aussi bien dans le registre jazz, comme en témoigne son disque duo avec Tony Bennett, Love For Sale (2021), que dans le genre comédie musicale avec l’emblématique A Star Is Born (2018). Aux côtés de l’oscarisé Joaquin Phoenix, qui se glisse avec aisance dans la peau de son personnage, elle nous plonge dans un univers où la musique devient le fil conducteur de la folie. Phoenix, déjà connu pour son interprétation du légendaire Johnny Cash dans Walk The Line, apporte une profondeur inégalée à son rôle. Ce film, davantage qualifié de jukebox que de comédie musicale, s’inspire des classiques des années 50-60, avec des références à des œuvres telles que Sweet Charity, The Band Wagon, Pal Joey, The Roar Of The Greasepaint – The Smell Of The Crowd. Dès les premières notes du medley “Slap That Bass / Get Happy / What The World Needs Now Is Love” des frères Gershwin, interprété par Nick Cave, l’ambiance sombre de Gotham se dévoile, nous immergeant dans l’univers flamboyant du Joker. L’album se distingue par une seule composition originale : “Folie à Deux”, d’une durée d’une minute quarante-quatre, composée par Lady Gaga.

Harlequin vs le Joker

Contrairement au projet de Lady Gaga Harlequin, sorti quelques jours plus tôt et dans la même veine, cette bande originale offre une interprétation plus intime et torturée, fidèle aux tourments des personnages de Joker et Harley “Lee” Quinn, où la musique devient leur unique échappatoire. Il est inévitable de comparer les deux projets, qui partagent pas moins de huit titres. Si les versions de Stefani Germanotta dans Harlequin étaient conventionnelles, ici, la liberté créative du compositeur se fait sentir, pour notre plus grand plaisir. La chanson “If My Friends Could See Me Now”, toujours interprétée par Lady Gaga, se révèle plus audacieuse, affichant une voix brisée et expressive, une facette que l’on aurait souhaitée davantage présente dans son précédent disque. Les titres tels que “That’s Entertainment”, “I’ve Got The World On A String” ou “The Joker” prennent ici une tournure cinématographique, enrichis par un violoncelle lunatique, qui réinvente ces standards en jazz et blues, évoquant davantage l’atmosphère des films noirs que celle des comédies musicales traditionnelles.

Avec ou sans images ?

L’œuvre dans son ensemble est un véritable tour de force, superbement incarnée. Joaquin Phoenix réussit à chanter le désespoir et la vulnérabilité avec une finesse remarquable, tandis que l’instrumentation des morceaux est impeccable. Par exemple, dans “The Joker”, autrefois magistralement interprété par Shirley Bassey, il choisit une approche crescendo, évitant les longues notes pour accentuer la folie et la déviance de sa voix, offrant une version saisissante.

Joker : Folie à Deux réussit à capturer l’essence du film avec brio, et le choix des morceaux est astucieux. Toutefois, en tant qu’écoute indépendante… il peut sembler insuffisant. Principalement parce qu’une grande partie de l’album se compose de textures de cordes atmosphériques et de morceaux inachevés, ainsi que de sons extradiégétiques qui, lorsqu’ils sont écoutés seuls, manquent d’intérêt, à l’exception notable de la reprise de Jacques Brel “If You Go Away”, délivrée par le poignant Joaquin Phoenix.