Vingt ans jour pour jour après la sortie de son bijou à succès Hopes And Fears, en pleine tournée d’anniversaire (ils étaient de passage à l’Olympia les 26 et 27 avril), Keane nous propose un voyage dans le passé avec une réédition très attendue de son tout premier album. Les deux heures trente-huit de Hopes And Fears 20 se déclinent de la façon suivante : un premier disque célébrant les douze titres qui ont propulsé Keane sur la scène internationale, remastérisés pour l’occasion; un second compilant bonus et exclus issus de l’époque de l’écriture de Hopes And Fears; et le dernier, où se succèdent les démos ayant abouti aux chansons telles qu’on les connaît aujourd’hui. Un bol de nostalgie qui nous offre une nouvelle perspective, plus intime et modeste, sur un des albums les plus marquants de sa décennie.
Intemporel
Qui n’a jamais été touché par la nostalgie du célébrissime air de “Somewhere Only We Know”, chanson intemporelle ayant survécu au défilé des générations ? Certifié neuf fois disque de platine par la British Phonographic Industry, deuxième album britannique le plus vendu en 2004, écoulé à près de troi millions d’exemplaires au Royaume-Uni, titulaire d’un Brit Award pour meilleur album en 2005… on ne présente plus cet album ayant conquis public et critiques.
C’est donc un Hopes And Fears rajeuni par un nouveau remastering que nous propose ce premier disque. En effet, le son global semble avoir gagné en amplitude, comme si chaque piste prenait davantage de place tout en conservant sa rondeur et sans empiéter sur l’harmonie de l’ensemble. Le coup de pinceau est souvent assez discret, mais il est satisfaisant d’entendre certains morceaux jusqu’alors restés en retrait honorés et pleinement assumés par cette revisite. C’est le cas des violons sur “We Might As Well Be Strangers”, ou de certaines pistes de piano sur les couplets de “Everybody’s Changing”. Parfois, c’est la qualité atmosphérique des morceaux qui est renforcée : la clarté du piano de “Bend And Break” accentue son ambiance joyeuse, voletante et résolument pop.
De façon générale, Keane semble avoir privilégié une mise en avant des mélodies de piano signées Tim Rice-Oxley; et ils ont bien fait, puisque ces inspirations coldplayesques ont largement contribué à façonner l’identité musicale du groupe et à faire de cet album une référence absolue de la pop rock britannique des années 2000.
Ballades à gogo
Après la nostalgie, place à la découverte. Keane nous propose de nous familiariser aux douze titres finalement délaissés dans la sélection finale du tracklisting. Force est de constater, après écoute, que la plupart de ces morceaux auraient pu figurer sans problème sur le disque. Certains sont même franchement excellents; “Get Away From Yourself”, en particulier, est un condensé parfait de tout ce que Keane sait faire de mieux : une power ballade portée par un piano ultra mélodique et des parties vocales à la fois puissantes et pudiques, avec une tonalité mi-pop mi-épique qui ne tombe jamais dans l’écœurement.
Mais elle fait un peu figure d’exception au milieu du reste; la plupart des bonus contenus sur ce deuxième disque ressemblent davantage à “She Has No Time” qu’à “Can’t Stop Now”. Des ballades calmes et mélancoliques, suivant un simple arrangement piano/voix, généralement plus introspectives que les refrains entraînants devenus références de “Somewhere Only We Know” et “Everybody’s Changing”. “Love Actually”, sortie en single et dont le titre est volontairement tiré du fameux rom-com britannique, rappelle “We Might As Well Be Strangers”. Les fans de Keane ont donc largement de quoi se mettre sous la dent, puisque ce sont presque toutes des sorties exclusives, sauf “Allemande” et “Snowed Under” (dont les paroles sont à l’origine du titre de l’album), présentes sur la version japonaise du disque.
Retour aux sources
Enfin, pour clôturer ce paisible voyage rétrospectif, Keane nous propose une démo par morceau de l’album (sauf “Somewhere Only We Know”, qui a droit à deux démos). La démarche est d’autant plus intéressante que Tom Chaplin, Tim Rice-Oxley et Richard Hughes ont passé beaucoup de temps à chercher leur identité musicale avant d’aboutir à un résultat satisfaisant, et de se dévoiler au grand public : “She Has No Time”, toute première composition de l’album, date de 1999, soit cinq ans avant la sortie de Hopes And Fears. Néanmoins, les démos comprises sur le troisième disque sont toutes issues de la période 2002-2003. Sur quatre d’entre elles, intitulées “Tim Demo“, c’est la voix de Tim Rice-Oxley, pianiste et compositeur principal du groupe, que l’on entend.
Si on retrouve sans problème le fil conducteur qui a accouché de chaque chanson, certaines démos sont particulièrement intéressantes. La discrétion, voire l’absence de piano nous frappe à plusieurs moments, laissant davantage de place à la basse et aux synthés atmosphériques (“Your Eyes Open”) ou aux contre-chants et harmonies (“Everybody’s Changing”). Amusant, quand on sait avec du recul à quel point le piano occupe une place significative dans la signature musicale de Keane, et a contribué à faire de Hopes And Fears un succès international.
Hopes And Fears a largement fait ses preuves auprès du grand public et de la critique musicale, et a permis de propulser Keane sur le devant de la scène pop rock. Pourtant, cette réédition rappelle toute l’humilité de ses compositeurs, et honore la simplicité élégante du piano rock si reconnaissable de l’impérissable Keane.
Informations
Label : Universal Music
Date de sortie : 10/05/2024
Site web : www.keanemusic.com
Notre sélection
- Get Away From Yourself
- Everybody’s Changing – Demo / July 2002
- Bend And Break – Remastered 2024
Note RUL
3,5/5