Après dix ans d’absence, la formation française aux célèbres titres inscrits dans les annales de la scène pop rock hexagonale est de retour. Après des projets solo assez discrets, Kyo se reforme et revient donc avec “L’Equilibre”, un album qui se veut ni catastrophique, ni brillant, mais plutôt mitigé.
“Poupées Russes” ouvre l’ensemble. On retrouve toujours, après de nombreuses années, le phrasé unique ainsi que la voix émouvante et poignante de Benoît Poher (chant). S’ensuit aussitôt les cordes de Florian Dubos (guitare) et Nicolas Chassagne (basse), puis les caisses de Fabien Dubos (batterie), pour un début de morceau assez doux, qui prendra un virage plus rock mélancolique quelques dizaines de secondes plus tard. Benoît lance “Dans la vie il y a…” et enchaine les énumérations, incluant par-ci par-là quelques jolis clins d’œil à la carrière du groupe : “Il y a parfois des comeback, parfois des ruptures”, ou encore le “300 lésions” repris au refrain, nom du précédent opus, sur lequel Kyo nous avait laissé. Les couplets sont, en somme, très bons, et malgré un refrain aux sonorités pop mainstream facilement agaçant à la première écoute, la chanson demeure intrigante et une seule envie nous anime : la réécouter. Vient ensuite la deuxième piste de l’essai, cette fois-ci déjà connue de la Kyosphère : “Le Graal”. Premier single officiel du disque, ce titre au virage pop électro radical a de quoi laisser l’auditeur perplexe : si l’on s’attendait à quelque chose de différent quant aux nouvelles productions musicales de Kyo, rien ne laissait présager une évolution aussi méconnaissable. Entre une mélodie pop rock bobo type BB Brunes et un rythme dansant beaucoup trop radio friendly, on se demande si la quête de “jeunesse éternelle” de la formation ne serait en fait qu’une quête du top des charts. Mais l’effort regagne soudainement -et heureusement- en efficacité et tâcherait même de balayer nos inquiétudes grâce à “L’Equilibre”, deuxième extrait éponyme paru plus tôt dans l’année. Cette ballade ponctuée d’un texte racontant l’histoire d’un amour désenchanté et malheureux, thématique toujours aussi récurrente chez la bande, est un morceau poignant, vibrant et en somme réussi, qui se caractérisera comme l’une des meilleures tracks de l’album sur fond de chagrin et d’obscurité. Après un “Enfant Du Solstice” à la rythmique entraînante et aux paroles équivoques (“Tu penses à moi quand tu te touches…”), témoignant du gain de maturité du groupe dont les années d’absence ont eu de quoi transformer une bande de jeunes hommes encore ados dans l’âme en adultes affirmés. Il est l’heure de revenir aux ballades et d’opérer à la première surprise du disque, intitulée “Les Vents Contraires”. Tout comme “Tout Reste A Faire” sur “Le Chemin” (2003) ou encore “Révolutions”, “Je Te Rêve Encore” et “Assaut Des Regards” sur “300 Lésions” (2004), ce n’est pas Ben que l’on retrouve au chant, mais bien Florian, laissant entendre sa voix voluptueuse sur une mélodie à la guitare acoustique plus posée. Une pause de douceur dans un opus plutôt guinchant jusque-là… qui se prolongera encore un peu plus longtemps avec la très jolie et captivante “Madone”, dont les paroles paraissent moins évidentes à cerner que les précédents textes, le thème de l’amour étant toujours abordé mais d’une manière plus sombre et moins explicite (“Tu dessines sur les murs ce que l’on ne voit pas, mais c’est dans ta nature de prendre les gens d’en bas. J’ai vu notre futur rouler entre tes doigts, et rougir à la lune quand elle s’adresse à toi.”) Les morceaux – qui demeurent un tatillon trop plats, manquants de puissance malgré une identité propre à chacun – s’enchaînent et l’auditeur rencontre alors la onzième piste de l’album, véritable retour au bon gros rock made in Kyo, intitulée “White Trash”. Les guitares bien lourdes et profondes sont en effet de sortie pour cette piste aux couplets ravageurs et terriblement efficaces, le refrain étant un peu plus faible, même si agréable et en accord avec le reste de la chanson. L’effort et la musicalité de “L’Equilibre” sont enfin clairement décelables, et on adore enfin ce qui résonne dans nos tympans. Mais surprise, il est l’heure du dernier titre… et la tâche de conclure l’ensemble sera confiée à Flo, une fois de plus, avec “La Route”. Cependant, quelque chose nous titille l’oreille… “C’est bizarre, j’ai déjà entendu cette mélodie quelque part…” semble répéter notre petite voix intérieure. Après quelques instants de réflexion, le verdict tombe : la mélodie acoustique de “La Route” ressemble très franchement à celle de “Le Temps Immobile” de Pierre Van Dormael, présente sur la B.O. du film “Mr Nobody”. Mise à part ce détail quelque peu troublant, la ballade demeure réussie et conjugue simplicité et émotion (“Puisque ta peau est la mienne, que je porterai tes chaînes, je chanterai sur ma route ton amour, tes doutes…”), pour un final tout en plénitude.
Si l’album peut être détestable au premier abord, la musicalité et le potentiel de “L’Equilibre” ressortent clairement au bout de plusieurs écoutes. Malgré tout, le retour de Kyo n’est qu’en demi-teinte : entre très bons titres et morceaux trop lisses, manquant de coffre ou d’un minimum de sens, ce renouveau plus pop que rock risque de diviser la fanbase et d’attirer de nouveaux conquis, qui n’accrochaient pas forcément au son plus brut d’avant. Certes, il ne fallait en aucun cas s’attendre à une version 2.0 de “Le Chemin” (car dix années se sont évidemment écoulées, les membres du groupe ont logiquement évolué, et voulaient sûrement explorer un domaine nouveau) mais l’approche de la musique, elle, devrait être la même. Et l’on attendait au moins de la bande qu’elle exploite son indéniable talent plus efficacement. Il est toujours possible d’évoluer tout en offrant un album différent et très bon… ou du moins maîtriser le virage que l’on prend et tirer le meilleur des nouvelles sonorités que l’on puise. Quoi qu’il en soit, Kyo revient avec un disque mélodieux et écoutable, très appréciable dans certains cas, mais force est de constater qu’il manque réellement quelque chose pour former “L’Equilibre”.
Informations
Label : Sony Music / Jive Epic
Date de sortie : 24/03/2014
Site web : www.kyomusic.com
Notre sélection
- L’Equilibre
- Poupées Russes
- Madone
Note RUL
3/5