Local Natives – But I’ll Wait For You

De retour après quatre ans d’absence, les cinq Américains de Local Natives nous présentent le deuxième volet de leur projet musical post-COVID : après Time Will Wait For No One, paru en 2023, place à But I’ll Wait For You, petit frère plus discret et… moins palpitant.

Doux, très doux

Il n’y a pas d’adjectif qui semble mieux décrire la discographie de Local Natives. Entre les prouesses harmoniques au chant, les arrangements mêlant textures d’ambiance et leads ultra mélodiques et les paroles empreintes de sentimentalisme, le groupe s’est forgé une identité bien à lui, si bien qu’il est impossible de le confondre avec des confrères ou consœurs de la scène indie rock étasunienne. Dans But I’ll Wait For You, on retrouve les codes principaux de l’identité musicale de Local Natives : “Alpharetta” nous plonge de suite dans le bain en nous proposant un premier couplet aux multiples voix harmonisées, tout aussi présentes sur “Camera Shy” ou “Walk Before You Run”. Les sons des claviers sont parfois finement travaillés, proposant des parties atmosphériques empreintes de légèreté, comme sur “As Soon As You Arrive”. Les lignes de basse se baladent librement, ponctuant le disque de leur rondeur et servant de repère sur la plupart des chansons, constituant même parfois l’élément le plus intéressant (“Neon Memory”). La batterie, souvent en retrait, permet tout de même quelques relatives montées en énergie (“Throw It In The Fire”, “April”).

Si le tout est relativement homogène, à la fois en qualité et en ambiances proposées, quelques morceaux sortent du lot avec des parties instrumentales parfois réussies, parfois prometteuses – voire inachevées. C’est le cas de “Throw It In The Fire” avec ses violons qui reprennent la mélodie du chant sur les refrains; de “Ending Credits” avec sa nappe de fond légèrement menaçante qui contraste avec l’atmosphère générale; et de “Walk Before You Run”, qui met une longueur d’avance au reste, en proposant une section expérimentale où synthés et guitare se libèrent (enfin). Une écoute sans dépaysement majeur; mais il manque pas mal d’éléments à cet album pour qu’il rejoigne les rangs des meilleurs disques du groupe.

C’était mieux avant

Le son de Local Natives peut rapidement écœurer, notamment du fait de ses voix mielleuses et du fort sentiment de nostalgie qui transparaît souvent dans ses mélodies. Mais c’est précisément cette faculté à marier des influences issues de l’indie et de la folk avec un penchant complètement décomplexé pour une pop bien sucrée qui faisait l’originalité de ses sonorités. Où sont les mélodies entêtantes d’une “Who Knows Who Cares” (Gorilla Manor, 2009) ou d’une “Breakers” (Hummingbird, 2013), les tonalités épiques de “Wooly Mammoth” (Hummingbird, 2013), mais aussi la pop solaire, un peu façon Two Door Cinema Club, de “Fountain Of Youth” (Sunlit Youth, 2016) et “Gulf Shores” (Violet Street, 2019) ?

Ce virage vers un son plus intimiste était déjà présent dans Time Will Wait For No One. Mais des morceaux comme “Hourglass” ou “NYE” parvenaient tout de même à faire vibrer celles et ceux d’entre nous avec une sensibilité particulière pour leur extraversion passée. Dans ce dernier disque, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, si ce n’est le synthé un poil plus dynamique de “April” ou la montée vocale de “But I’ll Wait For You”. Rien de désagréable, et l’ensemble n’est pas encore tout à fait ennuyeux, notamment parce qu’il ne dure que trente-cinq minutes. Mais on aurait apprécié quelques titres plus remuants; d’autant qu’aucune de ces ballades n’arrive à la cheville de “Colombia”, leur pépite qui a déjà onze ans.

Les quelques années de remous traversées par le quintette avant l’écriture de ces deux albums ne semblent pas avoir profondément altéré son approche musicale. Mais on regrette quand même son aptitude à écrire des morceaux plus vitaminés, plus dynamiques, plus épiques parfois. Bref, l’indie rock ultra sucré façon Local Natives nous manque.