Difficile de croire que Miley Cyrus a seulement trente ans, tant elle semble avoir eu mille vies. Habituée à naviguer d’un style à l’autre, l’artiste nous a proposé tour à tour du pop rock pour ados, du rock de stade (accompagnée de Joan Jett et de Billy Idol) en passant par toutes les nuances de la pop et même de la country. Assagie depuis sa période “Wrecking Ball”, la revenge song “Flowers” a néanmoins fait énormément parler. Au-delà du buzz, ce septième album saura-t-il exister indépendamment de son single ?
Every rose has its thorn
Le disque commence par le hit qui a défrayé la chronique, l’hymne à la résilience “Flowers”. Les références aux multiples infidélités de son ex-mari y sont nombreuses, entre un clip tourné sur le lieu de ses infidélités et un album sorti le jour de son anniversaire. Leur chanson de mariage était “When I Was Your Man” de Bruno Mars ? La jeune femme en détourne les paroles, et le “je t’achèterai des fleurs” initial devient “je peux m’acheter moi-même mes fleurs“. Comme le dirait un célèbre Auror : “Vous ne l’aimez peut-être pas, mais reconnaissez qu’elle ne manque pas de style”. Soutenu par un violon inspiré, ce titre disco pop (aux faux airs de “I Will Survive”, tiens tiens …) sera également proposé en fin de disque, dans une jolie version piano-voix. Comme un rappel de l’événement qui aura marqué la genèse de ce disque, ainsi que son auteure.
Cette dernière enfonce le clou avec l’intrigant “Muddy Feet” (pieds boueux en VF), en duo avec Sia. Cette collaboration ne manque pas d’énergie, ni de punchlines sympathiques (“Tu sens le parfum que je n’ai pas acheté, maintenant je sais pourquoi tu as fermé les rideaux… Fous le camp de chez moi !“). Elle pêche en revanche par une certaine lourdeur dans son exécution. Bien que la voix de Miley soit capable de force, cette tentative de sonner “heavy” manque de subtilité, et apparait clairement datée. Et ce n’est pas l’apport de l’Australienne qui inversera la tendance, avec une participation finalement anecdotique (à l’exception de ses “ohoho” réglementaires, qui se révèlent, eux, exaspérant).
On sera nettement plus séduit par le phrasé percutant de “Jaded”, beaucoup mieux dosé, qui voit la jeune femme commencer à prendre du recul sur sa fin de relation. Mention spéciale aux guitares aériennes, parfait écrin à un timbre de voix davantage mis en valeur.
Cyrus en veut plus !
Mais résumer l’ensemble à des règlements de compte serait une erreur. Hormis ces trois extraits, Endless Summer Vacation déroule au contraire une volonté de tourner la page. Cela se traduit également dans les variations de style, avec des expérimentations prenant leurs distances avec les productions pop contemporaines. La doublette “Handstand” / “River” surfent ainsi sur une vibe électronique inattendue. La première réhabilite en 2023 l’ambiance de Kavinsky, sur un texte en partie parlé, faisant monter la température. La seconde adresse un clin d’œil appuyé à la synthpop des 80’s. Moins expérimentale, (mais tout aussi suggestif) ce titre parvient à être entrainant sans verser dans l’euro dance tapageur.
La très réussie “You” varie également les plaisirs. On y découvre une facette bluesy, renforçant la crédibilité d’interprète de l’ex-Hannah Montana. Ce morceau tisse un beau crescendo, s’achevant sur une ultime envolée trouvant son contrepoint dans un “mais seulement si c’est avec toi“ répété comme un talisman. Ou comment mettre la forme au service du fond.
Éloge de la langueur
Comme son nom l’indique, ce Endless Summer Vacation renvoie une atmosphère sereine, se voulant le reflet d’une auteure apaisée après la tempête. Ce sentiment irradie du duo avec Brandi Carlile sur “Thousand Miles”. Ce retour au source country est l’occasion d’un vrai moment de complicité avec l’interprète de “The Story”.
Alors que certains morceaux pâtissent d’effets dispensables (“Violet Chemistry”) l’épilogue de l’album confirme que la simplicité en est son meilleur atout. La planante “Island” se révèle ainsi être un titre dénué d’esbroufe, mais particulièrement plaisant. Entre percussions caribéennes et bruits de vague, cette surprenante ambiance lounge nous projette aux ultimes rêveries d’une parenthèse enchantée. La fin des vacances peut également s’apparenter à une métaphore plus douloureuse, l’ensemble s’achevant sur “Wonder Woman”. Cette chanson, dédiée à sa grand-mère disparue, voit la chanteuse se mettre à nue sur un piano-voix dénué d’effet, dans un beau moment d’authenticité. Une clôture tout en classe.
Moins mainstream que ce à quoi nous pouvions nous attendre, Miley Cyrus propose un disque planant et langoureux, teinté d’influences multiples. Sa pop conventionnelle est ici enrichie d’expérimentations électroniques, et d’escapades bluesy. Si certains morceaux ne dépassent pas le stade de l’intérêt passager, on peut saluer la cohérence de l’atmosphère dégagée. Nous ne sommes pas en présence d’un album cherchant à faire la course aux tubes, afin de caracoler en tête des classements de streaming, mais face à un projet artistique cohérent, presque intimiste. C’est donc avec plaisir que nous échangeons nos préjugés initiaux contre une bande son pour un road trip estival.
Informations
Label : Sony Music / Columbia
Date de sortie : 10/03/2023
Site web : www.mileycyrus.com
Notre sélection
- Flowers
- Island
- Wonder Woman
Note RUL
3,5/5