Peu de groupes ont la classe avec un grand “C” et My Bloody Valentine les rejoint obligatoirement avec la nonchalance qui lui sied. Le 2 février, à minuit, le quatuor britannique a mis en vente sur le web son troisième album : “MBV”. Annonçé seulement quelques heures avant sa sortie, l’information créa une vague d’hystérie sur les réseaux sociaux : l’équivalent du 10 mai 1968 version 2.0. Pour les profanes : My Bloody Valentine est un groupe de shoegaze de référence qui a atteint son zénith avec “Loveless” (1991), considéré comme un album majeur du rock anglais indépendant de la fin du XXème siècle. Par ailleurs leur style musical influencera rapidement des nouveaux groupes comme Radiohead, The Smashing Pumpkins et plus tard The Bewitched Hands. Mais voilà, en 1993, les caïds de Dublin signent avec une major, et entrent en studio pour ne plus jamais en sortir. De séparation fumeuse en 1995 à fausse annonce en 2001, en passant par un Kevin Shields (chant), en gourou serein, qui demandait à ses fans chaque année de s’armer de patience. “MBV”, n’était pas encore sortie qu’il devenait déjà une légende. Mais le problème des légendes c’est qu’elles sont toujours éloignées de la réalité.
“She Found Now”, démarre en douceur, là où “Loveless” s’électrisait, et ce n’est pas un mal. En quelques secondes les vrombissements de la guitare électrique, entremêlés à la voix aérienne de Kevin Shields, placent l’auditeur dans une agréable torpeur : le voyage dans les méandres abyssales de My Bloody Valentine commence. La montée en puissance se fera par le biais d’une esthétique entremêlant ambiance limbique, électrocution et voix candides nuancées par un Sonic Youth sous acide. “Who Sees You” est dévoré par des larsens étourdissants comme obsédés par ces élucubrations soniques. Après cette explosion, le voyage se fera plus interstellaire avec “Is This And Yes”, entre instrumental organique et timbre de voix chaleureux, le titre est à lui seul l’enfant prodige de Björk et Archive. Retour sur terre, avec une structure musicale beaucoup plus pop, “If I Am” ressort par l’utilisation de la guitare Wha-Wha enveloppée dans une basse et une voix cotonneuses, à l’instar de “New You”. “MBV” passera par des inspirations électro-hindouïste explosives avec “In An Other Way” : l’auditeur débarque en plein Holî submergé par un tsunami de guitares frénétiques. L’opus se conclut admirablement par “Wonder 2”. Après avoir creusé pendant huit titres les décombres abyssales de ce qui reste shoegaze, “Wonder 2” offre un “Atom Heart Mother” écouté en marche arrière, dans le tambourin d’une machine à laver, titanesque.
Dévoré avec hystérie et émotion, happé par son shoegaze toujours aussi troublant, MBV transforme l’essai, mais est loin de procurer l’étrange sensation vaporeuse et hypnotique qu’avait laissé “Loveless” en son temps. Un disque qui aurait pu être à la hauteur de ses pères s’il était sorti vingt ans plus tôt. Ceux qui s’attendent à un chef-d’œuvre seront fatalement déçus et frustrés, néanmoins My Bloody Valentine démontre encore une fois qu’ils sont les tenants et les aboutissants d’un style musical en berne, près a ressusciter. “MBV” est une sorte de préquelle emmené par une voix oppressante entre le rêve et réalité, d’un Kevin Shields qui s’invite dans le conduit auditif et susurre “Hey les gars, on est de retour et on va faire très mal”.
Informations
Label :
Date de sortie : 22/02/2013
Site web : www.mybloodyvalentine.org
Notre sélection
- Wonder 2
- In Another Way
- Is This And Yes
Note RUL
4.5/5