Groupe ayant assuré la transition des années 90 aux années 2000, Nada Surf n’est pas en reste comparé à d’autres artistes bénéficiant de plus de notoriété. Trois décennies après ses débuts, le trio enrichit sa discographie avec son dixième album, Moon Mirror. La patine adolescente des quinquagénaires, désormais sous contrat avec une nouvelle maison de disques, va-t-elle encore frapper en plein cœur ?
Power pop pops
Formation imperturbable depuis 1992, la bande de Brooklyn n’est pas figée dans le temps. Cependant, il devient de plus en plus compliqué de dater sa musique au fil des albums. Bien que les dernières productions ne connaissent pas le succès de High/Low (1996) et de Let Go (2002), Nada Surf est loin d’être le groupe d’un seul single au succès immédiat ou d’une seule époque. Tout au long de sa carrière, on peut y déceler une évolution sonore, s’accompagnant d’une maturité acquise en chemin, bien au-delà des studios d’enregistrement et des salles de concert. Moon Mirror ne déroge pas à la règle, et ce dès ses premières notes.
Accompagnant ses riffs clairs à la six cordes, la voix intacte de Matthew Caws nous enveloppe d’un sentiment chaleureux. “Second Skin” porte bien son nom tout en donnant le ton des onze chansons. Possédant toujours cet aspect poli, les sonorités dégagent une familiarité avec une touche différente. Une guitare moins saturée, une basse de plus en plus ronde, cela n’entrave en rien l’énergie presque juvénile démontrée sur ce disque. “I tried so many new and old tricks to die and self-improve“. Une prose dont la simplicité cache en réalité une complexité terrifiante.
Americanahlala…
Car au-delà de la relecture des mélodies apaisantes et des paroles teintées de poésie se cache une prise de position au nom de l’espoir. Dans un pays plus déchiré que jamais, c’est l’amour qui doit prévaloir. Il le faut. Que ce soit la peur de la déconnexion au réel avec “In Front Of Me Now” ou l’affirmation des sentiments avec “The One You Want” et son introduction pesante, Nada Surf refuse toute forme de cynisme. Cela peut-il être perçu comme une forme de naïveté ? Si l’on utilise le terme dans son étymologie latine, qui signifie “inné“, alors oui. Il ne s’agit pas ici d’un manque de jugement ou d’une prise de position stylistique adaptée au répertoire de New West Records, sa nouvelle écurie. Il s’agit bien d’un état d’esprit.
Et c’est avec cette mentalité que Moon Mirror est en réalité l’album d’un quatuor, et non d’un trio. La participation d’un ami de longue date, Louie Lino, est loin de passer inaperçue. Aux claviers, les mélodies du groupe prennent de l’ampleur et nous amènent dans des dimensions différentes. Parmi les effets insoupçonnés, l’excellent “X Is You”, avec ses notes de piano saisissantes, ses violons furtifs et son chant mélancolique, n’est pas sans rappeler l’album Figure 8 (2000) d’Elliott Smith. Une génération en commun, un destin tragique de poète maudit, la filiation n’est pas évidente à première vue. Pourtant, les quatre musiciens ne sont pas éloignés de cette sensibilité, car ils ne nient pas le mal-être qui gangrène les États-Unis.
Still popular
Collaborant depuis quatre ans avec Ian Laughton, connu depuis 1995 pour son travail avec Supergrass, Nada Surf signe une production éclectique surprenante, le tout sans avoir besoin d’un set de pédales de distorsion, au grand dam des fans de la première heure. Les morceaux plus énergiques entre les ballades, comme le titre éponyme et “Floater”, n’en ont pas besoin pour nous captiver. “Intel & Dreams”, avec les fûts fracassants d’Ira Eliott, caractérise à lui seul la puissance dont la formation peut faire preuve.
Moon Mirror parvient à se démarquer dans la discographie de Nada Surf par une ambition naturelle : celle de ne pas cesser de raconter des histoires pour insuffler un souffle d’optimisme. Ce qui manquait à l’album You Know Who We Are (2016) se retrouve ici, pour notre plus grand plaisir.
Informations
Label : New West Records
Date de sortie : 13/09/2024
Site web : www.nadasurf.com
Notre sélection
- Intel And Dreams
- The One You Want
- X Is You
Note RUL
3,5/5