Si les réseaux sociaux constituent des tremplins pour les artistes depuis déjà de nombreuses années (Arctic Monkeys et MySpace en est l’exemple le plus brillant), TikTok n’échappe désormais plus à la règle. Repérée sur la plateforme, et déjà auteur de l’EP pretty poison (2021), Nessa Barrett arrive avec l’étiquette pas forcément facile à porter de chanteuse TikTok. Passer de vidéos flashs à un album complet, voici le défi que tente de relever la jeune américaine de tout juste vingt ans sur ce premier long-format.
The Olivia, Billie, and Travis Show
L’apparition du batteur de blink-182 sur le titre “la di die” (2021) ainsi que sa programmation au When We Were Young Festival aux cotés de Paramore et Avril Lavigne pouvaient laisser penser que la jeune femme apporterait sa pierre au revival pop punk incarné par Machine Gun Kelly ou encore Pales Waves.
Si l’artiste y pose un orteil sur “too hot to cry”young forever s’inscrit davantage dans la pop réaliste de Billie Eilish ou d’Olivia Rodrigo. Moins expérimentale que la première et moins lumineuse que la seconde, elle partage cette capacité à réunir un auditoire venant de différents styles musicaux au sein d’un même univers. Dotée d’une signature vocale immédiatement reconnaissable et délicieusement maussade, sa voix soul tisse la toile d’un quotidien en clair-obscur.
Une sensibilité à fleur de peau
Utilisant sa notoriété pour évoquer régulièrement le combat de la santé mentale, dont elle souffre elle-même, la jeune femme a voulu prolonger cet engagement dans ses textes. N’hésitant jamais à montrer sa sensibilité sur ses propres angoisses, young forever tire sa force de son authenticité.
Véritable thérapie, les thèmes abordées contrastent avec la douceur de l’interprétation. Le superbe enchainement “dear god” / “forgive the world” traitent du deuil et de la vulnérabilité sans jamais tomber dans le pathos. Plus loin, l’acoustique “lovebomb” est tout simplement désarmante de tendresse, avant que le single “die first” finisse de convaincre sur sa capacité à proposer des hymnes immédiatement mémorisables.
Mais même sur des titres au tempo plus élevé, l’artiste parvient à faire passer ses messages à l’image du très dur “talk to myself” (“si tu penses que tu peux me faire pleurer plus que moi-même, alors vas-y essaie”). Nessa Barrett porte également un regard sans concession sur la superficialité de Los Angeles (le hit “tired of california”) et lorsqu’elle évoque avec lucidité l’ambivalence de sa relation avec les réseaux sociaux sur “mad house” (“Ils veulent m’aimer, me détester puis me slut-shamer, ils me conduiront dans un asile… mais est-ce vous ou est-ce moi ?“)
Un disque un peu trop homogène
Dès lors, peut-on parler de sans faute ? Pas encore, car si la capacité à imposer un style est admirable, cette cohérence peut paraitre assez uniforme. On regrettera ainsi quelques remplissages dommageables (“decay”, “fuckmarrykill”, “lucky star”) qui renforcent ce sentiment de doublon alourdissant l’ensemble. De plus, la présence d’un hit up-tempo comme “brutal” ou “good for you” apporterait davantage de respiration à l’ensemble et accentuerait les contrastes.
Malgré tout, porté par une voix envoutante, ce premier album balaie les doutes et assoit Nessa Barrett comme une artiste à part entière. Loin d’être une étoile filante, la jeune femme de vingt ans affiche un potentiel intriguant et nous livre un essai sincère dont on attend déjà la suite.
Informations
Label : Warner Music
Date de sortie : 14/10/2022
Site web : nessa-barrett.com
Notre sélection
- die first
- lovebomb
- Too hot to cry
Note RUL
4/5