Cela fait trente ans que Nick Cave creuse son sillon dans le paysage musical et cinématographique. Trente ans, entre explosion rock et envolée lyrique à l’écriture proche de la perfection, avec l’incontournable “The Boatman’s Call” (1997). Congratulé par la critique, le précédent opus, “Dig, Lazarus, Dig!!!”, prouvait encore une fois que ce bluesman littéraire n’en finissait pas de se promener, avec une savante production, dans un déluge de mots et de visions apocalyptiques, entre l’amour et la mort. Depuis ce dernier, paru en 2008, Nick a écrit le scénario “Des hommes Sans Loi” ainsi que sa bande originale. Durant sa carrière, il a par ailleurs signé d’autres B.O. telles que “Quelques Heures De Printemps”, “Dias De Gracia” ou le sublime “La Route”. C’est dire si “Push The Sky Away” est attendu de pied ferme. De plus, The Bad Seeds a enregistré dans un manoir du XIXème siècle, dans le sud de la France, avec le producteur Nick Launay qui a déjà brillamment travaillé avec le groupe. Les australiens livrent un quinzième opus s’annonçant comme une pépite de blues tranquille aux textes affinés.
Démarrage en douceur “We Know Who U R”, comptine construite comme une ritournelle obsédante appuyée par les boucles électroniques d’un Warren Wellis au mieux de sa forme. “Wide Lonely Eyes” apporte un peu plus de guitare en fond, plus d’énergie. Nick Cave envoûte encore une fois pas sa voix ténébreuse et réconfortante. Ce 15ème effort est fait de ballades portées par les basses, les choeurs, les violons lancinants et, surtout, transcendées par la voix, toujours juste d’un Nick Cave prophétique. La plupart des morceaux sont de calmes et lancinants arrangements pop, à l’instar de “Jubilee Street”. Mais la majeure partie de l’album combine une version conflictuelle, où le songwriting de Leonard Cohen tente de prendre le pas sur la subtilité expérimentale d’un Tom Waits. “Mermaids”, dans cette lignée démarre par un blues clairsemé et raffiné avant de se terminer en chill out aérien parsemé de chant mysticètes. Par “We Real Cool” ou encore “Higgs Boson Blues”, Cave devient l’égale de son maître Bob Dylan. Il gémit et chantonne : les arbres sont en feu, le Diable fait un deal avec Robert Johnson, il demande à être enterré dans ses chaussures jaune en cuir verni, avec un chat momifié. Plus loin, il regarde les garçons sur la plage flirter avec les “stupides” filles, anti-capitalistes, les écouteurs pour iPod suspendus de leurs têtes, tandis que la basse chatouille le violon. Le voyage dans les limbes messianique de Nick Cave se termine avec le sublime “Push The Sky Away”. Comme une roue perpétuelle, ce titre emprunte le calme et la plénitude de “We Know Who U R”, englobé d’un synthé aux teintes cold wave et d’une résonnance de cathédrale.
“Push The Sky Away”, est un excellent album de bout en bout. La production est carrée, les textes prouvent encore une fois que Nick Cave est un vrai poète. Sans oublier l’effort musical bluffant entre harmonie savamment structurée et minimalisme psychédélique. Le seul bémol accordé, c’est sûrement ce manque de désinvolture garage blues qui se retrouvait dans “Abattoir Blues/The Lyre Of Orpheus” (2004). Pour retrouver cette forme de rock n’roll débridé, il faudra dorénavant se tourner vers Grinderman (autre groupe composé par Nick Cave et Warren Ellis). Ici, vous ne trouverez que les nouveaux projets expérimentaux de deux génies mystiques aux allures de gourous.
Informations
Label : Bad Seed Ltd.
Date de sortie : 18/02/2013
Site web : www.nickcave.com
Notre sélection
- Higgs Boson Blues
- We Real Cool
- We No Who U R
Note RUL
4.5/5