Pour son cinquième album studio, Death Or Glory, le trio de frangins de Palaye Royale a misé sur une recette résolument fun : des arrangements rock bruts et énergiques auxquels s’ajoutent une touche de glam, une pincée de pop et un zeste d’emo punk, le tout assaisonné à l’ambiance 2000s évoquant jeunesse débridée, drogues, échecs amoureux et esprit rebelle. Un tournant stylistique assumé, après l’épique Fever Dream (2022).
Back to the 2000s
Si les frères Kropp sortent leur premier album studio en 2016, il faut rappeler que le groupe a alors huit ans d’ancienneté. De quoi expliquer, au moins en partie, l’influence 2000s dans laquelle baigne leur musique, qui emprunte au garage rock aussi bien qu’au glam et au punk. Bien sûr, il y a l’esthétique que les trois musiciens se sont choisie, mais aussi leur penchant pour un son juvénile et contestataire, hymne d’une adolescence subversive et rebelle. Boom Boom Room (Side A) et Boom Boom Room (Side B) incarnent bien cet état d’esprit.
Dès les premières minutes, Death Or Glory s’inscrit dans cette marque musicale. La chanson éponyme, avec son tempo soutenu, l’exposition immédiate de la voix éraillée de Remington Leith, son riff entêtant et sa basse addictive, nous ramène quinze ans en arrière. Palaye Royale a le mérite de faire perdurer le démodé, d’assumer le vintage et de s’approprier des sonorités que peu de groupes contemporains explorent, bien que récemment, un Måneskin semble aussi emprunter les chemins isolés du glam et le ramener au goût du jour. “Hot Mess” et “Just My Type” prolongent le sentiment de nostalgie, puisant abondamment dans l’emo et la pop punk, voire la pop tout court, au point où “Just My Type” ressemble presque à du One Direction saturé. Histoire de baigner dans l’actualité, le riff traînant et désinvolte de “Been Too Long” évoque les débuts d’Oasis, tandis que le glam atteint son paroxysme sur l’originale “Addicted To The Wicked & Twisted”.
Bien sûr, impossible d’analyser l’identité musicale de ce cinquième disque studio sans se pencher sur les paroles. En chaussant les lunettes 2000s, à nouveau, tout y est : drogue, sexe, refus amoureux, argent… Certes, ces thèmes ont précédé les 2000s et semblent intemporels, mais la façon dont Palaye Royale les explore ici est si typique d’une époque et d’un état d’esprit, qu’ils frôlent presque le parodique. Voire, parfois, le hors-sujet : les paroles de “Death Or Glory”, qui revendiquent une liberté d’action et d’expression absolue, et semblent tourner en dérision la transidentité et la cancel culture, paraissent se placer dans le sillage du discours “on ne peut plus rien dire“, qui n’est pourtant pas l’apanage des générations adolescentes actuelles. L’ensemble allie candeur et trash pour mettre en scène une jeunesse débridée, facilement identifiable tant elle a fait l’objet d’adaptations cinéma et TV. Pêle-mêle, quelques extraits qu’il est difficile de ne pas remarquer : “You’re just my type / Yet you don’t care / And you change your mood just like you’re changing your hair” (“Just My Type”); “Good girl, church on a Sunday / We fuck on a Monday / I know you like it rough” (“Ache In My Heart”); “Big dreams, small shoes / Got nothing else left to lose / Same me, same you / Until the drugs start doing you” (“Dark Side Of The Silver Spoon”). De façon générale, sur Death Or Glory, les introspections malheureuses sont plus rares que les textes “edgy” et provocateurs.
Ringardise ou avant-gardisme ?
Si Palaye Royale s’inscrit indéniablement dans une tradition musicale très spécifique, il serait injuste de les y réduire. De fait, celles et ceux s’étant arrêtés à Boom Boom Room, faces A et B, pourraient être étonnés des chemins empruntés par le groupe sur The Bastards (2020) et sur Fever Dream, deux excellents albums ayant laissé place à davantage d’expérimentation, et une certaine mise à jour de leur interprétation du glam, victorieusement modernisée. L’innovation tient à des inspirations mélodiques plus grandiloquentes, des arrangements plus originaux faisant parfois intervenir violons et violoncelles, des structures plus audacieuses et de nouveaux effets ajoutés à la basse et aux guitares, les rendant plus puissantes. Ces efforts de maturation ont accouché d’un son plus profond, plus chargé émotionnellement. Des explosions rock de The Bastards, bien plus heavy et sombres qu’auparavant (“Anxiety”, “Tonight Is The Night I Die”, “Nightmares”, “Masochist”, “Lord Of Lies”), aux complaintes épiques et dynamiques de Fever Dream (“Eternal Life”, “Punching Bag”, “Line It Up”, “Wasted Sorrow”, “Off With The Head” et sa superbe outro à la My Chemical Romance), Palaye Royale a su se rénover sans se trahir.
Sur Death Or Glory, Palaye Royale semble néanmoins avoir laissé davantage de place aux fondamentaux initiaux de sa musique qu’à cette deuxième identité plus dans l’air du temps. Quelques originalités témoignant d’une certaine liberté de composition sont néanmoins repérables sur la deuxième partie de l’album : le piano très rétro et décalé de “Dark Side Of The Silver Spoon”; “Showbiz” et sa basse magnétique; la jolie progression de guitare façonnant la coloration mélancolique de “Self-Loathing Conversation”; le refrain en chorale, la mélodie et la texture inquiétantes de la guitare lead de “Addicted To The Wicked & Twisted”, qui résonne comme un hymne horrifique et glam; et enfin, l’intervention d’un orchestre de cuivres sur “Pretty Stranger”. Toutes ces subtilités musicales permettent au disque d’afficher une certaine singularité et à la formation de conserver une place à part dans l’univers glam et art rock, mais ne suffisent pas à atteindre le niveau d’élégance et d’aboutissement des disques précédents. Même sur “Mister Devil”, sprint effréné et rock comparable à une “Nightmares” (The Bastards), les “oh-oh” apportent un contraste pop, empêchant la chanson de détonner dans l’ambiance de célébration générale.
Death Or Glory ne permet aucun doute : c’est bien aux frères Kropp et à leur rock punky et glam décomplexé qu’on a affaire. Mais surtout à leur version plus jeune, quitte à laisser de côté les évolutions stylistiques proposées par The Bastards et Fever Dream, pourtant prometteuses et révélatrices d’un vrai talent d’adaptation et d’évolution.
Informations
Label : Sumerian Records
Date de sortie : 30/08/2024
Site web : www.palayeroyale.com
Notre sélection
- Addicted To The Wicked & Twisted
- Showbiz
- Mister Devil
Note RUL
3/5