Chroniques

Primus – The Desaturating Seven

Connu du grand public en tant que compositeur et interprète du générique de South Park, Primus est avant tout le groupe le moins singulier des années 90. Virtuose et violent, le trio californien s’impose dans la contre-culture à grands coups d’expérimentations et de tubes comme “John The Fisherman” et “Tommy The Cat”. Après un hiatus de huit ans coupé en deux parties où Les Claypool s’aventure sans relâche au sein de plusieurs projets, il revient aujourd’hui avec un disque qui se révèle être la quintessence du concept album de la discographie. “The Desaturating Seven” réunit les trois musiciens des glorieuses années dans leur plus simple, ou du moins, leur plus étrange appareil.

Restant dans le monde des contes enfantins, situation propice à toutes les bizarreries, l’histoire de Ul de Rico sur des gobelins dévoreurs d’arc-en-ciel était tout indiquée pour passer à travers le prisme de Primus. “The Valley” instaure une atmosphère sordide tandis que le narrateur pose les bases du récit. Contrebasse gémissante et percussions lointaines à l’appui, il s’agit du calme avant la tempête qui amène la présentation de “The Seven”. Le slap du maître envahit nos enceintes, servant ce théâtre absurde où évolue le trio. En tant qu’ancien disciple de Joe Satriani, Larry “Ler” LaLonde sait avant tout user de son art sans tomber dans la démonstration prétentieuse. Que sa six cordes soit discrète ou tonitruante, il sait manier la dissonance à merveille. La frénésie des trois musiciens perdure par le biais des lignes de basses endiablées qui se marient de la façon la plus naturelle qui soit au jeu de batterie diversifié de Tim “Herb” Alexander.

Il suffit de s’attarder sur “The Scheme” pour comprendre le pattern classique que le groupe glisse subtilement pour appuyer son harmonie. Bien que la basse domine l’ensemble, aucune partie ne se retrouve lésée face à la quatre cordes de Claypool. Chaque musicien dompte son instrument d’une façon exceptionnelle et personnelle jusqu’à l’apothéose de “The Storm”. On retrouve l’énergie hallucinante de la période “Antipop” (1999) déchaîner les éléments en nous fournissant la puissance de feu dont ils sont capables.

La majorité des auditeurs demeure nostalgique en constatant que Primus se rapproche plus aujourd’hui de ses aînés de Pink Floyd que de ses pairs de Faith No More. L’immersion est totale, et l’album fait sens au sein de sa discographie. Il est évident qu’il ne représente pas une première prise de contact à l’instar de “Primus & The Chocolate Factory With The Fungi Ensemble” (2014), fonction délicate qui est parfaitement à la hauteur du reste de son œuvre. Nous sommes également loin du retour aux sources que tout amateur avisé attend depuis si longtemps. “Green Naugahyde” (2011) boucle parfaitement ce cycle, et laisse place à l’évolution logique de trois compères décidément trop dérangés pour vivre, trop rares pour mourir. Si vous êtes curieux, écoutez Ler au sein de Possessed, Herb avec A Perfect Circle, et tout ce que Les a pu produire.

Rangez vos longboards et vos pantalons à carreaux, Primus confirme qu’il n’est pas prêt de retomber dans les années 90 dont il est un fervent représentant. Si vous voulez revivre cette immense fête jouissive, le trio envoie toujours une énergie inégalable comme le montre sa prestation lors de la dernière édition du Hellfest. Allez savoir, la formation peut également nous donner tort à force d’être là où on ne l’attend jamais. Donner une chance à “The Desaturating Seven”, c’est courir le risque de se prendre une belle claque auditive.

Informations

Label : ATO Records
Date de sortie : 29/09/2017
Site web : primusville.com

Notre sélection

  • The Seven
  • The Scheme
  • The Storm

Note RUL

3.5/5

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