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Pure Reason Revolution – Coming Up To Consciousness

Après le disque de The Pineapple Thief en début d’année, ou encore les singles lâchés au compte-goutte par Archive depuis avril, place à une nouvelle formation emblématique du rock progressif britannique contemporain pour nous partager son plus récent bijou. Avec Coming Up To Consciousness, Pure Reason Revolution propose une nouvelle adaptation de son prog rock explosif et poétique dans la lignée de ses réalisations passées, mais avec une forme de retenue attestant d’une maturité certaine.

On prend (presque) les mêmes et on recommence

Pure Reason Revolution s’illustre par sa recette mélangeant les codes traditionnels du rock progressif tel qu’exploité par les pionniers du genre et une modernité qui doit autant aux arrangements qu’aux effets de production. Si Coming Up To Consciousness est moins audacieux dans son aspect progressif que ses prédécesseurs directs et plus lointains (surtout par comparaison avec The Dark Third, premier album de la formation), ce goût pour la rupture persiste. Dès les premières minutes, avec le déclenchement soudain du riff puissant de “Dig Till You Die”; puis avec son explosion finale, portée par un piano cristallin, rappelant le Muse de The Resistance. Cette aptitude à fournir une telle explosivité avec un piano occupant le rôle principal est rappelée par la clôture, “As We Disappear”. C’est sans doute “Useless Animal” qui propose le passage le plus rock du disque, avec son riff ravageur évoquant les montées en intensité caractéristiques de Eupnea (2020) et de Above Cirrus (2022). De son côté, “Worship”, plus épurée mais pleine de contrastes, offre un niveau semblable d’agitation, renforçant encore le lien de filiation évident entre les trois derniers disques du groupe.

Comme à son habitude, Pure Reason Revolution fait intervenir des sonorités décalées pour construire une ambiance paradoxale, comme l’harmonica et les synthés perçants de “The Gallows”, ou encore les effets électroniques ajoutés au riff de “Useless Animal”. De son côté, “Bend The Earth” prend de suite au dépourvu puisque les guitares pinkfloydiennes et la basse onctueuse, souvent actrices principales des premières minutes des chansons précédentes, sont remplacées par un arrangement percussif électronique auquel fait suite une batterie suivant un rythme dansant à la limite du reggaeton. Ce curieux début débouche sur la meilleure mélodie de l’album, derrière laquelle se promène une guitare électrique ajoutant de la solennité à l’ambiance d’ensemble. Mais le solo de guitare qui intervient quelques minutes plus tard rend à Pink Floyd son dû dans l’influence évidente et assumée que les chefs de file du rock progressif ont eue sur la musique de Pure Reason Revolution. Finalement, “Bend The Earth” est une nouvelle preuve de la capacité du groupe à puiser dans une palette d’influences riche et diversifiée.

Pour son côté le plus accessible, Pure Reason Revolution peut compter sur la voix assez pop de Jon Courtney (rappelant parfois celle d’un Chris Martin) et sur celle d’Annicke Shireen, venue combler le départ de Chloe Alper par ses aigus aériens. Ainsi, l’enchevêtrement quasi constant des deux voix, devenu un marqueur essentiel de l’identité musicale du groupe, persiste et étoffe des mélodies vocales souvent très inspirées. L’ensemble harmonieux des refrains de “Betrayal” en est un bon exemple, formé par les croisements mélodiques des leads de guitare et des pistes vocales. À noter le clin d’œil évident à “Cruel Deliverance” (Above Cirrus, 2022), avec une reprise quasi identique de la progression mélodique et des paroles dès la première phrase de la chanson. Du point de vue des paroles, Jon Courtney explore diverses facettes du deuil lié à la perte d’un être cher (ici, son chien euthanasié, expliquant le choix de couverture de l’album). Le récit d’une expérience personnelle aussi facilement transposable à l’échelle universelle contribue à l’adoucissement sonore de l’ensemble.

Gloire à la modestie

Du point de vue des sonorités et des couleurs musicales, Coming Up To Consciousness suit donc en grande partie la voie empruntée par les deux albums ayant suivi la reformation du groupe en 2018, Eupnea et Above Cirrus, et déroule des récits musicaux progressifs et cathartiques. Jon Courtney et sa bande ont le goût de l’excès, et le manient à la perfection pour donner naissance à des enchaînements de sections à l’énergie variable, tantôt planantes, tantôt furieuses. Le tout en proposant des mélodies accrocheuses et des riffs accessibles, alliant facilité et complexité avec habileté et maîtrise.

Mais Coming Up To Consciousness semble être le résultat d’une certaine prise de recul, comme si le groupe avait cessé d’étirer au maximum les limites de ses expérimentations. Loin du très progressif The Dark Third, loin aussi des aventures franchement électro de Amor Vincit Omnia, plus modeste dans son volet le plus rock que Eupnea et Above Cirrus, Coming Up To Consciousness reste cohérent avec l’ensemble sans prétendre à une grande expansivité. La principale nouveauté réside sans doute dans le squelette du disque : finis les enchaînements de pistes longues de cinq à dix minutes, ce dernier album se veut plus léger, plus facile à l’écoute. Ce sont donc pas moins de cinq interludes, en plus d’un prélude, qui viennent souder les huit chansons entre elles, moins longues que d’ordinaire. Bien que ces courts passages atmosphériques ne présentent pas de réel intérêt en tant que tels, ils autorisent à l’auditeur certaines pauses permettant de fluidifier l’expérience. Il faut les interpréter comme des intros ou des outros prolongées. Comme si la formation avait conscience de sa tendance à l’extraversion et proposait une adaptation simplifiée de son expression musicale.

Le résultat est réussi puisque la modestie ne nuit pas à la qualité, y compris dans la production, qui met en lumière la richesse des arrangements sans tomber dans les travers d’un polissage trop épuré, les passages les plus agités conservant une certaine dose de crudité. Pour les sections plus atmosphériques, l’amplitude du son accentue l’aspect rêveur, poétique et flottant, atténuant la densité découlant de la multiplicité de pistes enchevêtrées.

Pure Reason Revolution signe un sixième disque plus réservé que ses prédécesseurs, mais toujours marqué par un dosage efficace des contrastes et une sollicitation mesurée d’influences autrefois déroulées à l’extrême. Une direction qui ne permet pas à Coming Up To Consciousness de se détacher franchement du lot, mais qui le place dans la cohérence d’une discographie survitaminée rafraîchie par cette dernière réalisation.

Informations

Label : InsideOut Music
Date de sortie : 06/09/2024
Site web : www.purereasonrevolutionofficial.com

Notre sélection

  • Bend The Earth
  • Dig Till You Die
  • Worship

Note RUL

 3,5/5

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