Chroniques

Radiohead – A Moon Shaped Pool

Après cinq ans d’attente, et moins de deux semaines avant le début de la tournée, Radiohead nous revient enfin avec un neuvième album, finalement intitulé “A Moon Shaped Pool”. Un disque ambitieux qui dépasse de loin toutes nos attentes.

Petit rappel historique, d’abord. Le disque comporte beaucoup de morceaux dont on connaissait déjà l’existence. Les très récents “Desert Island Disk” et “The Numbers” (anciennement “Silent Spring”), déjà joués par Thom Yorke au Pathway To Paris, ou bien “Burn The Witch” dont on vous parlait déjà ici. On y retrouve aussi quelques titres datant des dernières tournées : “Identikit” et “Ful Stop” (2012) ou encore “Present Tense” (2008). Mais surtout, on a enfin droit à une version studio de “True Love Waits”, adoré des fans, et joué pour la première fois sur scène en 1995 ! Mais Radiohead ne s’est pas contenté de vider les placards pour ce disque. Au contraire.

L’ensemble est incroyablement riche. En terme d’instrumentation, le quintette s’est entouré du London Contemporary Orchestra, pour une section à cordes et des choeurs jamais vus. Dès l’intro et single “Burn The Witch“, on saisit la complexité des composition. Les cordes jouées col legno sont mixées à la perfection avec les éléments électroniques, et l’on a aucun mal à déceler l’empreinte de Jonny Greenwood. Vocalement, Thom Yorke est d’une justesse et d’une clarté incroyables, remontant encore la barre déjà bien haute. On adore aussi les violons mélancoliques de “Glass Eyes”, apportant du corps au morceau, ou encore la majestueuse progression sur “The Numbers”, totalement épique. Sur cet dernier, on souligne de très beaux choeurs, aussi et surtout présents sur le majestueux “Identikit” et ses envoûtants “broken hearts, make it rain”.

Pour autant, le côté expérimental de Radiohead est loin de rester inexploré. A commencer par le deuxième single, “Daydreaming“, long, hypnotique, et presque minimaliste. Dans le genre, on retrouve aussi “Tinker Tailor Soldier Sailor Rich Man Poor Man Beggar Man Thief”, incorporant quelques cordes au processus. De l’étrange et inquiétant, on passe parfois à la douceur : on découvre avec plaisir “Decks Dark” et son piano, et l’on contemple la larme à l’oeil toute la beauté de “True Love Waits”. On se laisse vite emporter par la guitare de “Desert Island Disk”, ou bien celle de “Present Tense”, presque latine. Mais le morceau le plus radioheadien de l’oeuvre est sans aucun doute le complexe mais entraînant “Ful Stop”, et en particulier la deuxième moitié du titre : riff de batterie léger et rapide, guitares et basse qui s’enchevêtrent, et plusieurs niveaux de voix.

Une très grande diversité dans la composition, donc. Et c’est là que réside toute la force de ce disque. On y ressent le potentiel et le talent de chacun des membres de la formation. Ce que chacun d’entre eux a pu apporter à la création de l’album. Mais on y voit aussi ce que le groupe a su tirer de toutes ses expériences passées, qu’elles remontent aux années 90 ou à il y a quelques mois seulement. Diverses époques, divers styles et diverses émotions s’entrecroisent au sein de “A Moon Shaped Pool”, lui donnant la possibilité de nous faire voyager sans jamais laisser aucun vide.

Si l’ensemble passe par plein d’humeurs musicales, on y trouve par ailleurs une certaine harmonie au niveau des textes, globalement assez sombres et tourmentés. Des inquiétudes personnelles et relationnelles de Yorke à la critique plus ou moins virulente du monde actuel, les paroles, toujours brillantes, font réfléchir sur un certain nombre de thématiques. Autre point intéressant, le tracklisting n’est autre que l’ordre alphabétique des morceaux, laissant penser que, sauf en cas de gros hasard, les titres n’ont pas été pensés comme un enchaînement mais comme un ensemble global et non hierarchisé.

“A Moon Shaped Pool” s’impose déjà comme un disque majeur. Un virage dans la carrière de Radiohead, qui n’avait jamais rien fait de tel auparavant, mais en même temps un album extrêmement logique dans sa discographie. Calme mais puissant, sombre mais profond. Un véritable coup de maître.

Informations

Label : XL Recordings
Date de sortie : 08/05/2016
Site web : www.radiohead.com

Notre sélection

  • Burn The Witch
  • Identikit
  • The Numbers

Note RUL

4.5/5