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Sigur Rós – ÁTTA

Après sept ans d’absence et un album avorté, les Islandais de Sigur Rós reviennent enfin avec de nouveaux morceaux. Accompagné d’un orchestre, le groupe livre enfin un disque d’une rare beauté.

Il y a un peu plus d’un an, rien ne laissait présager que Sigur Rós reviendrait sur le devant de la scène. Depuis Óveður en 2016, une tournée mondiale en 2017 et un album avorté, le groupe était resté silencieux. Il faut dire que le départ du batteur Orrí Dýrason et les accusations de fraude fiscale ont laissé la formation quelque peu éprouvée.

Et puis, Kjartan Sveinsson est revenu. Le multi-instrumentiste historique du groupe l’avait quitté en 2013, peu avant la sortie de Kveikur, pour se concentrer sur d’autres projets. Le voilà donc de retour neuf ans plus tard, relançant Jón Þór ‘Jónsi’ Birgisson et Georg Hólm dans une dynamique de composition.

NO BATTERÍ

C’est d’ailleurs la patte de Sveinsson que l’on retrouve le plus sur ce huitième album. Alors que Kveikur se distinguait par l’accent mis sur les percussions et les sonorités abrasives, ÁTTA s’inscrit dans la continuité de Valtari (2012). Ce disque se caractérisait par des influences proches de l’ambient, avec de longues notes étirées dans le temps. Ce nouvel album propose des éléments similaires, à l’exception de la batterie.

Le départ de Dýrason n’a visiblement pas entravé le groupe très longtemps dans ses compositions. Il y a bien quelques morceaux où elle est présente, comme “Klettur”, mais elle reste au mieux très minimaliste. De même, la basse de Hólm se fait beaucoup plus discrète sur cet ensemble. Elle échange ses sons lourds et sourds contre des jeux de textures qui accompagnent davantage le reste plutôt que de le porter.

À cet égard, l’album peut décevoir ceux qui s’attendaient à des montées en puissance telles que celles que le groupe sait créer. On pense par exemple à celle de “Vàruð” sur Valtari. Ces montées en puissance sont tout de même présentes, mais cette fois-ci, c’est l’orchestre et ses envolées de cordes lancinantes qui les composent, un peu à l’image de “Ára batur” présente également sur Með Suð í eyrum við spilum endalaust (2008) et enregistrée au mythique studio Abbey Road.

Du beau au coeur

Le London Contemporary Orchestra, dirigé par l’éminent Rob Ames (qui a également contribué aux arrangements orchestraux pour l’album), semble presque faire office de quatrième membre à part entière du groupe, tant il est omniprésent. Les arrangements s’adaptent parfaitement aux compositions, dont les mélodies se développent et évoluent avec grâce. La voix de Jónsi, toujours aussi lumineuse, trouve une fois de plus un écrin parfait. À l’écoute, la plupart des morceaux donnent simplement l’impression de flotter dans un océan et d’être bercé par le reflux des eaux, dans un moment de calme parfait. Ce ressenti est particulièrement flagrant lors de l’écoute du single “Blóðberg” ou de la magnifique chanson “Ylur”.

La musique de Sigur Rós a toujours eu une dimension cinématographique (ce qui est vrai pour le post rock dans son ensemble), allant des longues sections atmosphériques aux moments libérateurs. Ce n’est pas pour rien que de nombreux morceaux du groupe ont été utilisés dans des films ou des séries. Sur ÁTTA, chaque morceau semble être la bande originale d’un court-métrage. Comme “Klettur” ou “Mór”, ils évoquent des images de calme et de plénitude, comme si l’on venait d’atteindre le centre d’un cyclone et que c’était une récompense.

La beauté d’ÁTTA évoque des sentiments similaires tout au long de cette heure quasi complète d’écoute : ceux de béatitude et de sérénité. C’est peut-être même le seul bémol de cet album, car le groupe nous avait habitués à des écoutes plus mouvementées, avec différentes aspérités et moments sombres pour que les moments lumineux ressortent encore mieux. En dehors des moments qui peuvent, selon l’auditeur, être considérés comme attristants ou optimistes, tout dans ce disque est éclatant. Peut-être est-ce la façon pour le groupe de retrouver la lumière après sept années dans l’ombre.

Informations

Label : BMG
Date de sortie : 16/06/2023
Site web : sigurros.com

Notre sélection

  • Ylur
  • Klettur
  • Mór

Note RUL

 4/5

Ecouter l’album

Corentin Vilsalmon
J'aime la musique, j'aime écrire, pourquoi ne pas allier les deux ?