Dernier album en 2018, changement de nom en 2022. Le duo britannique SOFT PLAY, anciennement connu sous le nom de Slaves, commençait à manquer sérieusement. C’est donc en plein mois de juillet 2024, dans un contexte mondial chaotique, que HEAVY JELLY vient nous caresser les oreilles à coups de battes de baseball.
La dégelée
Police d’écriture empruntée à AC/DC, et un dessert anglais en allégorie du nouveau nom d’Isaac Holman et Laurie Vincent. La pochette, qui en plus de sa simplicité semble être une pastiche de celle de Let It Bleed de The Rolling Stones, nous dévoile déjà un point majeur du disque : arrêtez de juger sur les apparences.
Car si “All Things” commence par les chœurs d’un hymne anglican, la brutalité des instruments prend vite le dessus. Pas le temps de tirer sur l’ambulance, on l’a déjà bourrée de nitroglycérine avant. Isaac laisse exprimer sa voix poncée de nouveau au papier de verre tandis qu’il martèle les fûts comme si sa vie en dépendait. Laurie assène les riffs les plus tranchants sur sa guitare en assurant les chœurs. C’est la parade du retour des fils prodigues, liés par une alchimie indéniable.
Radicalement vôtre
Le deuxième titre “Punk’s Dead” est une explosion d’humour décalé qui reprend sous un rythme intense toutes les détractions dont le groupe a été la cible depuis deux ans. “Turns out you’re just another couple of overly emotional pricks, oi” réplique le groupe à toutes celles et ceux qui n’ont pas pu supporter une pointe de changement. “Get these liberals, lefties typical“, “Snowflake, snowflake, cherries on the woke cake“. On retrouve sans surprise les éléments de langage des conservateurs et des identitaires dont les deux musiciens se fichent royalement. Pour citer l’un des rares présidents qui ne dédiabolisait pas l’extrême droite : “Cela m’en touche une sans faire bouger l’autre“.
Au lieu de cela, ils nous pondent l’un des morceaux les plus brutaux et hilarants de l’année. On apprécie les pleurs de nourrisson lors du pont durant la lecture de nombreux commentaires, ainsi qu’un guest improbable en la personne de Robbie Williams pour les chœurs. Sans oublier la réplique sur Johnny Rotten, ancien chanteur de Sex Pistols devenu un admirateur de Donald Trump. Comme quoi, la vieillesse peut être un naufrage.
Heavy therapy
Et quand la vie vous donne des citrons, pressez-lui l’acide citrique dans les yeux. En effet, nous passons de pépites en pépites sans transition avec un déferlement d’observations acerbes. De “Act Violently” en passant par “John Wick”, la pression ne faiblit pas. L’identité sonore de SOFT PLAY n’est certes pas innovante, mais beaucoup plus percutante. HEAVY JELLY a beau être le quatrième album de Soft Play, il sonne comme l’énergie d’un premier. Et tout cela grâce à un talent de parolier acéré et une musique qui fait fi des artifices.
L’ensemble se pose comme une affirmation de l’identité du groupe, encore plus enragé que lors de l’album de la révélation Are You Satisfied? en 2015. Six années se sont écoulées depuis la dernière production en studio, et les éléments n’ont pas été tendres envers notre duo britannique. Le deuil d’Emma Jane Mulholland, la compagne et la mère des deux enfants de Laurie Vincent, la santé mentale loin d’être au beau fixe pour les deux compères, une pandémie, la liste est longue.
Mais sans se noyer dans la positivité toxique, le résultat est incroyable. Un peu moins de trente minutes de punk pur jus avec en conclusion un morceau poignant, “Everything And Nothing”. Avec ses notes de mandoline et son accompagnement au violon, c’est une mise à nu d’esprits torturés par le chagrin et la colère. Parce qu’il y a des moments où l’on marche seul, et c’est comme ça. “White knuckles on the counter in the kitchen. They don’t know how hard I’m kicking to keep my head above.“
The Magnificient two
Six ans d’attente, et SOFT PLAY frappe encore plus violemment qu’avant. On ne peut que saluer la valeur cathartique de HEAVY JELLY tout en admirant la remise en question du groupe. Ce qui ne nous tue pas ne nous rend pas nécessairement plus forts, mais il est légitime que cela nous rende plus énervés. En tout cas, le punk n’est pas mort. Il mord encore.
Informations
Label : BMG
Date de sortie : 19/07/2024
Site web : www.softplayband.com
Notre sélection
- Punk’s Dead
- Act Violently
- Everything And Nothing
Note RUL
4,5/5