Après cinq ans d’absence, le désormais quatuor français Stuck In The Sound marque son retour avec 16 Dreams A Minute, un sixième album aussi diversifié que rafraîchissant. Une innovation musicale osée, mais fructueuse.
Hippie punk ?
La chanson d’ouverture, “Free Yourself”, annonce la couleur : Stuck In The Sound a opté pour un univers musical un peu différent de son style habituel, allant piocher des inspirations électro tout en honorant son statut de groupe de rock alternatif majeur de la scène française. “Le Soleil”, deuxième titre du disque, accélère le temps et nous envoie directement en été : évoquant une sorte d’insouciance estivale et vacancière, les paroles alternant entre français et anglais font mention d’un état de félicité suprême associé à un nouveau monde débarrassé des tourments passés, où les télévisions sont éteintes et l’heure est à la danse. L’arrangement épouse le message avec perfection, et le tout sonne comme un hymne hippie des années 1960.
Deux chansons plus tard, on retrouve “B/W Rainbow”, morceau le plus heavy de l’ensemble et probablement parmi les plus punk de la discographie de Stuck In The Sound, symbolisant bien l’une des forces principales du disque : sa capacité à alterner entre chansons pop épurées menées par de légers leads de guitare ou de clavier (“Le Soleil”, “My Sweet Sixteen”, “All I’ve Heard”), et des morceaux bien plus lourds (“B/W Rainbow”, “Sonora”, “Tragic”), tout en conservant une cohérence permettant de maintenir l’intérêt de l’auditeur au cours du voyage. À titre d’exemple, et aussi parce que son riff est redoutablement efficace, “B/W Rainbow” semble tout droit sorti du dernier album de Turnstile, avec ses guitares grasses ponctuées d’ajouts électroniques d’ambiance. Ce contraste se remarque également dans les paroles, puisque “Sonora” répond directement aux textes de “Le Soleil” en évoquant un futur beaucoup moins attrayant (“War for climate is a class war / This is the threat / We’re going round and round in circles / Already dead”).
Ringardise avant-gardiste
Ce n’est pas nouveau, l’identité sonore de Stuck In The Sound se démarque aussi beaucoup par sa production. Des mix audacieux, comme tout droit sortis des années 1970, qui laissent parfois toute leur place aux multiples pistes vocales, tantôt harmonisées, tantôt parfaitement identiques (“Tragic”, “Blue Hawaii”), conférant à l’ensemble un accent un peu vieillot mais très chaleureux et réussi.
Au-delà du mix, cette impression se voit renforcée par les multiples influences qui semblent avoir joué dans la composition et l’arrangement des seize chansons. Le résultat peut dérouter à la première écoute, tant les voix retouchées et les clins d’œil à des modes musicales révolues ou rarement intégrées au rock alternatif sont présents. Par exemple, “Employee Of The Weak”, quasiment rappée, dont l’instrumentation et le chant nous rappellent avec amusement les boys band de la fin des années 1990; ou encore “East Zion”, avec ses références reggae. L’album est si éclectique en termes de sonorités et de styles que l’on a souvent l’impression d’entendre d’autres artistes, passés ou actuels (“Dreams” pourrait être sur un album de Foals). En revanche, la voix du frontman José Reis Fontao est presque méconnaissable d’un titre à l’autre, tant les techniques, les intentions et les effets vocaux sont diversifiés. Pour autant, le rendu global est à la fois harmonieux, original et amusant.
Délicieusement indie et dansantes, les cinquante minutes de 16 Dreams A Minute s’écoutent sans le moindre effort – l’album portant ainsi plutôt bien son nom. Le groupe signe une tentative de renouvellement musical très réussie, ce qui n’est pas toujours le cas pour les formations de rock s’aventurant en dehors des sentiers battus; mais Stuck In The Sound a toujours affiché une forme d’audace musicale, parfaitement aboutie dans ce dernier disque.
Informations
Label : Upton Park
Date de sortie : 02/02/2024
Site web : www.facebook.com/stuckinthesound
Notre sélection
- B/W Rainbow
- Sonora
- All I’ve Heard
Note RUL
4/5