Suns Of Thyme – Cascades

Suns Of Thyme. Qui se cache derrière ce patronyme exotique ? Exotique, c’est pourtant bien le mot pour qualifier la formation berlinoise. Formé en 2011, Suns Of Thyme est un quintette allemand qui distille brillamment post punk, rock psychédélique, voir même complètement hybride. Remarqué avec un premier disque intitulé “Fortune, Shelter, Love And Cure” en 2013, le groupe revient cette année avec “Cascades” qui marque donc l’étape difficile du deuxième album.

Suns Of Thyme c’est un peu le The Cure des années 2010 : une voix malade, apathique, étouffée qui rencontre l’animosité de guitares stridentes et d’arpèges dansants (l’hypnotique “Do Or Die”). Mais Suns Of Thyme c’est aussi une basse sensuelle qui entend bien faire route seule, comme sur “In Dreams Awake” ou sur le final éthéré “Kirwani II” où Tobias Feltes délaisse sa voix froide et urbaine et démontre sa maîtrise des aigues, dévoilant une sensibilité insoupçonnée.

La musique des Allemands, très travaillée, est difficile à décrire en quelques mots tant elle est complexe et variée. La formation mélange de nombreuses influences pour arriver à parfaire un spectre d’émotions relativement large, passant aussi par un rock progressif complexe et travaillé (“Schweben”) où les ambiances prennent réellement le temps de s’installer. On dénote des influences orientales assumées avec classe sur l’instrumentale “The Field” et “Kirwani” tout comme on retrouve de l’ambient onirique sur “To Vanish” ou même une flûte sur “Val Verde”.

Mais ce qui fait la force de ce “Cascades”, c’est justement la façon que les Teutons ont de jouer avec le cours de l’eau, entendons par là le “flux d’émotion” de leur composition. En effet, Suns Of Thyme semble jouer avec un équilibre toujours menacé, mais qui ne faillit jamais : sur “Intuition Unbound” (qui a été pourvu d’un clip), la fièvre d’un rock psychédélique n’est jamais loin et le combo semble prêt à monter la cadence n’importe quand, sur “Deep Purple Rain”, on atteint une dimension épique avec des mélodies complètement incongrues, mais qui ont pourtant vraiment leur place. Les Allemands s’égarent parfois même dangereusement à la frontière d’un shoegaze dont ils ont largement les capacités d’assumer.

En d’autres termes, Suns Of Thyme embrasse toutes les influences rock possibles et frappe là où ne l’attend pas. Et quand on croit avoir finalement réussi à cerner son style, il y a toujours un détail exotique sur une piste, une petite découverte, comme des nappes de claviers fantomatiques, des structures qui viennent casser le rythme ou un solo improvisé qui vient nous montrer que l’on se trompe, que l’on a pas encore tout à fait réussi à saisir le propos. Enfin, on peut dire que Suns Of Thyme a su prendre des risques puisque le fait de faire cohabiter autant de styles musicaux entre eux représente un danger réel mais l’ensemble reste remarquablement homogène, et c’est clairement son point fort.

Véritable cascade d’émotions, ce deuxième album est la somme de trente ans de rock (les Berlinois déclarent eux-mêmes naviguer entre les années 60 et 90), du post punk au rock psychédélique, en passant par le rock progressif ou le rock aérien, mêlé avec talent. La particularité de “Cascades” est qu’on ne sent ni le poids des années, ni des influences du groupe, plutôt absentes ici. Certes, on pense parfois à The Cure, Pink Floyd ou Tame Impala, mais ces noms qui ne partagent rien entre eux, ne sont ici que des ombres lointaines et floues. Cet effort de quatorze morceaux est une preuve que le rock a encore de beaux jours devant lui.