The 1975 – Being Funny In A Foreign Language

À la sortie du premier confinement sortait Notes On A Conditional Form (2020), le quatrième album de The 1975. 1h20 d’expérimentations, des paroles politisées et de nombreux interludes qui en avaient laissé perplexes plus d’un. Avec “seulement” onze titres, Being Funny In A Foreign Language amorce-t-il un changement radical dans la carrière du groupe ?

Nobody Likes You When You’re 33

Comme toujours, le disque s’ouvre sur “The 1975”. Mais cette fois-ci, pas de variation ni de discours de Greta Thunberg, nous avons droit à une nouvelle intro. Enfin nouvelle. Le piano rappelle très fortement “All My Friends” de LCD Soundsystem, chanson dont Matty Healy parle régulièrement en interview. Les paroles “I’m sorry about my twenties I was learning the ropes/I had a tendency of thinking about it after I spoke” montrent que le frontman a retenu la leçon après presque dix ans de paroles déformées dans la presse et sur Twitter (on y reviendra plus tard).

Retour à l’essentiel

Si vous vouliez une suite directe à Notes On A Conditional Form, vous risquez d’être déçu. Mais si au contraire le The 1975 des débuts vous manquait, alors cet album est pour vous ! Bien moins expérimental et éparpillé que les deux précédents, ce Being Funny In A Foreign Language est beaucoup plus direct et accessible. On y retrouve le côté funky de “The Sound” sur “Happiness” et le synthé des débuts sur “Looking For Somebody (To Love)”.  

Vivre d’amour et de cancel culture

Cependant, le rythme dansant de certains titres est parfois trompeur. Sur “Oh Caroline”, l’air entrainant qui rappelle “Africa” de Toto cache des paroles sur le suicide. Car Matty Healy parle d’amour oui, mais suite à une séparation qui l’a beaucoup affecté, d’où ce côté doux-amer omniprésent. Comme toujours, le chanteur sait faire preuve d’auto-dérision et d’humour mais il a aussi gardé beaucoup de rancœur concernant la suppression de son compte Twitter. Pour rappel, il s’est fait “canceled” après avoir tweeté au sujet du meurtre de George Floyd en terminant par un lien vers une chanson de The 1975. Les paroles “Am I ironically woke ?/The butt of my joke ?/Or am I just some post-coke, average, skinny bloke/Calling his ego imagination?” sur “Part Of The Band” rejoignent le lancinant “I’m sorry if you’re living and you’re seventeen” de l’intro. On sent que le sevrage de l’héroïne dont il était accro et le passage de la trentaine lui ont fait prendre du recul vis-à-vis de la société et de l’industrie du disque. Pourtant, c’est le producteur super star Jack Antonoff qui co-produit ce disque (les derniers succès de Taylor Swift, Lorde et Lana Del Rey, c’est lui). Ironique jusqu’au bout.

Du rire aux larmes

Le génie de cet ensemble, c’est son équilibre. Pour contrebalancer les morceaux dansants, le groupe a placé des chansons plus calmes, que ce soit du côté jazz voire blues ou même soul (“All I Need To Hear”, “Human Too”) ou de la ballade folk rock belle à faire pleurer. “About You” est incontestablement la pépite de cet album et l’une des plus belles compositions de la formation (le saxophone !). Si vous n’avez pas versé votre larme dessus, vous le ferez sur “When We Are Together”, avec son début très pop rock 90’s et son violon plaintif qui rappelle un peu “Something On Your Mind” de Karen Dalton. Violon que l’on retrouve sur le premier single “Part Of The Band”, dont la quasi absence de structure est d’abord désarmante. Comme un fil de pensée, plein de spleen et de nostalgie, on pense à Bon Iver.

Pour chipoter, on pourrait reprocher à Being Funny In A Foreign Language de se terminer encore par une ballade, schéma désormais classique depuis les débuts du groupe. Mais c’est vraiment pour chercher la petite bête. Car neuf ans après la sortie de son premier album, The 1975 a, une nouvelle fois, prouvé qu’il savait se renouveler tout en gardant son identité. Il va à l’essentiel, sans interludes ni éléments électroniques -ou très peu-. On a déjà hâte de savoir ce que nous réserve le prochain !